mercredi 20 octobre 2010

Comment c'était avant ?

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« Comment faisait-on avant Internet ? »

Cette question, qui revient souvent dans les discussions entre proches, évoque une deuxième préoccupation, tout aussi essentielle : « Que ne fait-on plus depuis qu’on a internet ? »

Il y a presque trente ans, cette même question m’a été soumise par une amie par rapport à la télévision, dont j’étais alors très friand et qu’elle avait bannie de son existence.

J’avais argué que la télévision permettait de rester connecté au monde et donnait accès à quantité de films et de spectacles et était un moyen tout-à-fait pertinent de se cultiver.
Cette amie m’avait répliqué que chaque minute passée devant la télévision était une minute de vie perdue dans le Réel, le Monde qui nous entoure directement.
Ça m’avait tellement marqué que j’avais très rapidement déconnecté l’antenne de mon poste. J’ai tenu bon pendant presque 10 ans sans télévision. Je suis ainsi passé au travers de la Chute du Mur de Berlin et la 1ère Guerre du Golf et maints autres évènements plus ou moins importants sans accès direct à la télévision.
Je compensais d’ailleurs un peu bêtement ce manque quotidien en me gavant de télévision presque tous les dimanches soirs chez ma mère.
Pour le reste, je dois avouer que je meublais mon temps libre par des séances de cinéma quasi quotidiennes, parfois doublées par des séances vidéo à la maison !
Mais sans doute ai-je aussi un peu plus profité de la vie en général.

Depuis sont arrivés les ordinateurs (à la maison et au travail), et… internet.
Déjà sur l’ordinateur seul j’ai eu de longues périodes où je me perdais dans des jeux, puis j’ai tenté de décrocher en utilisant l’ordinateur pour de la création, graphique dans un premier temps et photographique plus récemment.
Puis j’ai eu une connexion internet au travail d’abord, ce qui a eu pour conséquence que je passais presque toute mes journées devant l’écran et que je poursuivais ses séances après le travail, parfois jusqu’à trois ou quatre heures du matin !
Je surfais bien sûr, mais j’y ai aussi cherché une compagne sur des sites de rencontre (avec succès… à l’époque) et j’ai découvert le « tchat ».

Depuis, j’ai complètement décroché du « tchat », conversations écrites quasi en temps réel, pour glisser vers les forums, conversations écrites, mais en temps différé.
Au final, le résultat est presque toujours le même : j’en sors épuisé, sans en avoir tiré une satisfaction réelle ou durable de l’exercice.
L’ordinateur et internet deviennent alors des gigantesques vortex d’énergie physique et intellectuelle.

Le seul remède réellement efficace à cette addiction pour moi est de me rendre ponctuellement dans un endroit où il n’y a pas internet. Ou en tout cas pas internet à domicile.
C’est alors l’occasion de redécouvrir le plaisir de longues balades, d’ingurgiter des livres à un rythme que je ne connais plus depuis plus d’une décennie.
Par contre, mon très ancien projet de trouver une compagne « pour la vie » et de fonder une famille reste désespérément en panne, de même que celui de développer une création artistique ou littéraire conséquente.

J’aimerais aussi laisser une marque sur le Monde, par exemple en appréhendant un de ses fléaux majeurs et en y apportant une solution pratique.
Le problème par rapport à ce projet-là est que, pendant presque trente ans, j’ai développé une carrière liée au commerce de détail, et donc, lorsque je parle à certaines personnes de mes idées grandioses, la réaction est invariablement : « Mais t’es qui, toi ? »

On peut alors concevoir qu’internet, la télévision, le cinéma et même la lecture sont des moyens de ne pas faire face à ces frustrations majeures, de rester « jusqu’au bout » dans l’évasion.
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vendredi 17 septembre 2010

Les Petits Pas.



Dans le chemin qui mène à une amélioration de ma santé, j’ai découvert une technique que j’applique depuis quelques mois: les petits pas.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi (lire certains de mes chapitres précédents et se référer au titre même de ce blog), j’ai découvert en 2005 que j’avais développé de l’hydrocéphalie, qui se traduit depuis plusieurs années par des maux de tête, des fatigues, une grande difficulté à effectuer des calculs compliqués, une tendance très prononcée à perdre à la fois des objets et le fil de mes pensées et enfin une sensibilité aigüe au stress, qui provoque immanquablement des états d’abattement et de découragement.

Une bonne manière de combattre cet état qui touche à tous les aspects de ma vie a donc été de le faire au cas par cas, et d’essayer de m’y tenir.

Par exemple, j’ai rapidement établi des « check-lists » pour mes déplacements réguliers. L’un pour mes départs quotidiens, généralement au travail.Y figure mes lunettes, mon agenda, ma clef USB, un agenda bis en fait, mon appareil de photo, qui ne me quitte jamais, mon téléphone portable, des rappels à vérifier l’état des différentes batteries : combien de fois n’ai-je pas subi la panne inopinée de mon téléphone portable justement, de mon I-Pod ou de mon appareil de photo ?
J’y note aussi un rappel de prendre mon médicament du matin et de fermer mes velux* : comme j’habite en attique, un tel oubli peut entrainer une inondation de l’ensemble de mon appartement en cas de fortes pluies.

Au travail, ma check-list de fin de journée se résume pour l’instant à ma clef USB, le seul oubli répété constaté jusqu’ici.
J’en ai un autre pour chaque départ vers la maison secondaire où je me rends une petite dizaine de fois par an, et une autre encore lorsque je la quitte: fermer les volets, l’eau, l’électricité, ne pas y laisser d’aliments périssables (un melon entier il y a encore 2 mois). J’utilise une variante de cette check-list pour mes autres voyages.

Comme je l’ai raconté dans le chapitre précédent, j’ai aussi développé des techniques pour éviter tout épisode de stress, dont une est de m’efforcer de toujours partir à mes rendez-vous avec quelques minutes d’avance. Si par hasard je pense pouvoir caser une dernière activité avant le départ en question, j’évalue calmement cette option, et si elle n’est pas réaliste, alors j’en abandonne le projet.
J’établis de plus des programmes quotidiens auxquels je me tiens le plus possible, mais sans me formaliser lorsque l’un ou l’autre point n’a pas été finalisé le jour où je l’ai inscrit. Il est simplement reporté sur le jour suivant.

Un autre des petits pas mis en route dans mon quotidien concerne des aspirations écologistes que je muris depuis que je suis adolescent.
Au cours des années passées, j’ai ruminé un nombre important de projets écologistes, certains plutôt ambitieux et d’autres… carrément hors de ma portée immédiate.

J’aimerais par exemple alerter les pouvoirs publics sur certains problèmes qui touchent notre planète et proposer les solutions pour y remédier mais, pour l’instant… je n'ai pas encore trouvé comment aborder la chose.

J’ai d’ailleurs créé un forum dans ce sens, http://sauvez-la-planete.niceboard.com/forum.htm. et… il n’a jamais vraiment décollé. Mais au moins, il existe et je vous encourage à y jeter au moins un coup d’œil.

A titre purement personnel, j'ai par contre décidé d’appliquer certains principes écologiques simples, et de m’y tenir.
Par exemple, depuis près de six mois j'ai presque complètement cessé d'utiliser les sacs plastiques jetables des grandes surfaces, leur préférant le sac unique réutilisable. Depuis lors, j’en ai possédé deux en tout et pour tout : j’ai perdu le premier après une semaine ( !) et le deuxième sert toujours.

Il y a un mois à peine, il m’est apparu que l’eau chaude que j’utilisais pour à peu près tout (me laver les mains, me raser, faire la vaisselle…) n’avait aucune utilité, et était très dépensière en énergie.
Et donc, autant que possible, je lui ai substitué l’eau froide. Pas encore pour les douches, mais… pour tout le reste.
Je précise que je n'ai pas encore complètement perdu l'automatisme d'ouvrir d'abord le robinet d'eau chaude, mais ça viendra.

Lorsque je me prépare un thé, je verse à présent d’abord l’eau froide dans ma tasse, et ne fait ainsi chauffer que la quantité exacte dont j’ai besoin.

Voilà, ce sont des entreprises modestes, mais qui ont leur importance.
Un petit pas entraine un autre, puis un autre, et avant qu’on ne s’en rende compte, la Vie sera plus belle!

* "velux" est un terme suisse qui désigne des "lucarnes de toit" (?). Je n'ai pas encore trouvé le terme "international".

jeudi 9 septembre 2010

Retour en Terre Très Connue.

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Sitôt revenu des îles anglo-normandes, je suis reparti pour une destination qui tient du pèlerinage annuel : Saint-Jean-de-Luz et sa Côte Basque.

En effet, aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours passé là mes vacances d’été.
En 2005, la maison familiale qui me servait de point d’ancrage estival depuis plus de 40 ans a été vendue et je me suis sérieusement posé la question de savoir si je continuerai à venir dans la région dans la mesure où j’avais sans doute passablement épuisé les possibilités de découvertes locales.
Comme cette vente s’est effectuée sur deux ans, j’en ai profité pour tester la pertinence de cette quasi certitude pendant cette période.

J’ai ainsi découvert à mon grand étonnement que par le passé j’avais finalement visité les mêmes sites chaque année, les mêmes quatre ou cinq plages. Ma connaissance de la ville se limitait presque à l’artère commerciale principale et deux-trois autres points névralgiques. Les jours de temps maussades, j’avais eu recours aux mêmes options touristiques : le Musée de la Mer de Biarritz, les Grottes de Sarre et d'Oxocelhaya, très belles au demeurant, et enfin les Ventas, des sentiers de contrebande typiques de la région qui se terminaient invariablement autour d’un verre d’Izarra ou de cidre basque dans une auberge située sur la frontière franco-espagnole.

Une année, j’ai mis fin à ce cycle lorsque j’ai entrepris de découvrir à pieds le quartier directement attenant à la maison, tout un univers de propriétés pittoresques et de rues qui m’étaient totalement inconnues jusque là.
Depuis, je réitère presque chaque année cette ballade élémentaire avec un étonnement toujours renouvelé.

Par la suite, j’ai entrepris de visiter tous les châteaux des environs : le petit Château d’Urtubie à Urrugne, l’impressionnant Château d’Abbadie à Hendaye, le Château d’Arcangues, encore occupé aujourd’hui par la famille du même nom. Il faut ajouter à ces vénérables bâtisses La Villa Arnaga à Cambo, qui a jadis appartenu à Edmond Rostand et qui fut construite dans le plus pur style basque, mais dans des dimensions quasi monumentale, et la Villa Leihorra, un impressionnant exemple d'architecture Art Déco qui domine la commune de Ciboure.

Par contre, en quatre décennies, je n’ai jamais mis les pieds dans la Maison Louis XIV à St Jean-de-Luz ni dans la Maison de l’Infante à Ciboure, deux hauts lieux touristiques.
Cette année, j’ai très vite opté de ne pas me fixer d’impératifs de visites, ni même en fait de me contraindre au moindre pèlerinage « obligatoire ».

J’ai même décidé d’éviter un certains nombres de destinations habituelles : exit Biarritz et Bayonne-Ville, pas plus de visites dans les petits villages de la région, Arcangues et Ainoha parmi les plus typiques, j’ai sciemment ignoré la Pointe de Sainte Barbe avec son point de vue maritime exceptionnel. Et Dieu sait si ce site est pour moi un des plus émouvants de la région !

Côté shopping, je me suis fixé l’ambition de ne pas mettre une seule fois les pieds dans la moindre « grande surface », privilégiant systématiquement les épiceries de quartier.

Je me suis par contre rendu trois fois dans une librairie de livres soldés, et j’ai ressenti un malaise grandissant qui m’a conforté dans la décision d’éviter d’autres « passages du souvenir ». Dans ce cas précis, j’ai conclu que cette échoppe était liée pour moi à une époque où je collectionnais des œuvres d’art et les livres s’y référant, et cette passion m’ayant à présent complètement quittée, je n’y avais plus rien à y faire.

Mon projet personnel le plus important de ce séjour a consisté à éviter tout épisode de stress et d’angoisse. Ça n’a pas toujours été couronné de succès mais j’ai néanmoins décidé d’appliquer certaines habitudes prises pendant cette dizaine de jours lors de mon retour à la vie active.

En bref, ces vacances m’ont conforté dans la certitude qu’il n’est pas indispensable de voyager loin ou dans des lieux exotiques pour s’enrichir les yeux et la tête.

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St-Jean-de-Luz. Août 2010. L'ancienne propriété familiale.

mardi 24 août 2010

Retour en Terre Inconnue.

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J’avais déjà visité les Îles anglo-normandes il y a une quinzaine d’années, plus spécifiquement Jersey, Guernesey et Sark, mais je me suis aperçu il y a environ une année que j’en conservais très peu de souvenirs.

Je m’y étais rendu à l’époque avec Sophie, ma compagne du moment et j’y suis retourné cette fois-ci avec Bridget, une amie qui songeait à s’y rendre depuis deux ans.

Mes seuls souvenirs marquants tenaient dans ma visite du Zoo de Gerald Durrell sur Jersey, l’arrivée sur le port de Guernesey, et Sark et son décor idyllique.

Du Zoo, je me souvenais qu’il était structuré comme un jardin anglais vallonné, avec beaucoup de gazon et certains enclos très ouverts. A l’époque, j’avais été très marqué par un contact direct avec un maki, animal que je découvrais pour la première fois en vrai. Celui-ci m’avait pris le doigt à travers une cage, et m’avait regardé de ces grands yeux inexpressifs. Pas une seconde je n’avais eu peur, ni de l’animal, ni de me faire réprimander par le personnel, malgré un panneau demandant aux visiteurs de ne pas chercher à toucher les pensionnaires de peur de leur transmettre des maladies.
J’avais aussi réussi à capter l’attention d’un guépard enfermé dans un vaste enclos aux grilles assez basses, et je m’étais amusé à courir à ses côtés, le long de la grille. J’avais eu l’impression que ce guépard avait bien apprécié cette course.
Et cette année, première surprise, l’enclos des makis ne ressemblent en rien à celui que j’avais connu : impossible actuellement d’avoir le moindre contact. En plus, contrairement à des parcs concurrents, très ouverts, leur cage était constituée ici d’une clôture très élevée aux mailles assez serrées. Pour accentuer la déception, il était même presque impossible de les prendre en photos (comme presque tous les autres pensionnaires du zoo) sans faire apparaître l’aspect carcéral du lieu.
Quant au guépard, il avait tout simplement disparu, de même que tout autre félin!
L’aspect général du centre était complètement différent : plus aucune trace du gazon, et l’architecture de l’endroit paraissait à la fois plus moderne et compact par endroits, mais aussi plus riche en végétation luxuriante et exotique.
Globalement cette visite au zoo a été une déception, mais elle m’a aussi frappée car je n’y ai retrouvé aucun souvenir concordant avec ma première venue.

Même chose avec le port de Guernesey. Ce n’est qu’après avoir longuement muri ce souvenir que je suis arrivé à la conclusion que la grande esplanade de béton dont je garde l’image devait être une arrivée de ferry, que nous n’avons pas utilisé lors du présent voyage.
Mystère sans doute résolu.

Sark enfin était mon souvenir le plus marquant de ces îles avec notamment la « Coupée », cette structure artificielle consolidée par des soldats allemands après la 2ème Guerre Mondiale et qui relie Grande Sark et Petite Sark. Elle  se dresse toujours, majestueuse.

J’étais de plus convaincu que l’île était très densément couverte de petites maisons, et c’est aujourd’hui encore très loin d’être le cas. Nous y avons en fait surtout traversé des zones sauvages ou semi-sauvages: champs et prés dépourvus de toutes constructions.

Je me réjouissais de passer sous le très long tunnel qui permettait d’accéder au « village » depuis le pont d’amarrage du port et… il n’a jamais existé ! La réalité tient dans un tunnel d’une dizaine de mètres à peine, et le reste de la montée se fait le long d’une route à ciel ouvert, tout à fait traditionnelle.

Quant au village, il m’avait frappé à l’époque car il ne comportait aucun magasin d’alimentation traditionnel. Tout juste peut-être un modeste dépanneur et un unique magasin de souvenir et, me semblait-il, un bistrot d’aspect très modeste.
Or, cette fois-ci, quinze ans après tout de même, l’île compte au moins trois épiceries très bien fournies, une poste qui fait en plus office de magasin d’informatique, de papèterie et sauf erreur, de magasin de pêche.
Quant aux hôtels et aux bistrots, ils étaient trop nombreux pour que je les répertorie !

Globalement, c’était comme si je redécouvrais cette île – et les autres- pour la première fois.
Par contre, le présent séjour a été l’occasion de visiter des sites que je ne connaissais assurément pas du tout, comme la charmante île de Herm, la plus modeste des quatre citées ici.
Son seul village, minuscule, tient en un hôtel entouré de quelques maisons et agrémenté de quelques boutiques de souvenirs et d’articles de plages. Une ballade permet de faire le tour de l’île en deux heures environ, avec ses plages et ses criques.
L’île possède ce qui est probablement la plus petite prison au monde, un minuscule bâtiment qui permet d’enfermer un seul prisonnier dans une cellule unique de moins de 2 mètres de diamètre sur 2 mètres de haut.
Sinon, j’ai été frappé sur l'ensemble des îles par la présence importante de plantes exotiques que je ne connaissais pas.
J’ai aussi été surpris de découvrir que Jersey possédait un vignoble qui produit un vin très léger, « Maison La Mare ». De plus, ce producteur confectionne une large sélection de confitures et de gelées aux arômes originaux et délicieux.
Ah, les confitures ! Un de ces jours, il me faudra y consacrer un chapitre séparé !
La plus fameuse des confitures de « La Mare » est la « Jersey Black Butter », à base de pommes bouillies en cuisson lente (jusqu’à 24 heures, ai-je lu !), additionnées de cidre, de « Apple Brandy », de cannelle et de réglisse.
Cette mixture mérite à elle seule le voyage vers ses îles.

Jogging dans les rochers de Sark.

vendredi 20 août 2010

Photomanie 3

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Au-delà des avantages purement techniques du matériel, le support digital a surtout été pour moi l’occasion de développer, et dans certains cas de me découvrir, des véritables manies photographiques.

Dans les tous premiers mois d’utilisation de mon premier appareil digital, j’ai une fois pris un cliché accidentel où apparut plus tard sur mon écran un arbre que je ne reconnaissais pas du tout : sa texture était étrange, et les couleurs étaient légèrement faussées.
Je m’empressai alors d’accentuer cette texture et les tons grâce un logiciel basique pour obtenir un résultat plus franchement décalé.
Je réussis assez vite à comprendre comment j’avais obtenu l’effet initial, et essayai de le reproduire. Un peu plus tard, je compris enfin qu’il me suffisait de bouger l’appareil au moment du déclenchement en réglant volontairement l’appareil pour une luminosité inadéquate. Autrement dit, je réglai l’appareil sur « plein soleil » alors que je prenais mes photos en luminosité réduite ou même de nuit avec des éclairages ambiants artificiels, tout cela sans flash, bien sûr. J’évite de recourir à ce dernier.
Ce petit jeu a monopolisé un grand nombre de mes prises de vue de paysages urbains pendant des mois, jusqu’au jour où j’ai découvert que je pouvais similairement l’appliquer à des portraits…. Ce qui m’a excité quelques mois de plus.

Mon attention s’est ensuite reporté sur la recherche de textures plus ou moins inédites, souvent d’ailleurs (mais pas toujours) en ayant recours à la même technique de l’appareil secoué/bougé.
Sols de pierre, surfaces aquatiques, végétales, boiseries diverses.
Et j’en vins tout naturellement à me focaliser sur les reflets. Et hop !  Des reflets partout !
Dans les vitres, les miroirs mais aussi l’eau, les carrosseries…

A travers ces différentes manies, il m’est apparu à la longue que l’être humain, mes amis, mes parents ou même des inconnus, tenaient une place mineure dans mes préoccupations artistiques, et que, très souvent, mes sujets favoris tendaient vers l’introspection et la fuite. Car, comment définir autrement mon intérêt prononcé pour des détails d’objets, des formes quasi abstraites, et surtout pour des mondes parallèles, reproduits et déformés par des vitres démultipliées, des  morceaux de métal tordu ou des surfaces liquides plus ou moins troublées ?

J’interprète de plus ces voyages dans la matière comme des équivalents à des voyages psychédéliques.
La première partie du « voyage » se produit lorsque je prends la photo.
J’identifie le sujet à photographier, par exemple une voiture dont le phare arrière reflète une maison. J’isole le sujet  et prends la photo. De retour chez moi, je pénètre un peu plus  dans l’image en resserrant encore le cadre pour ne garder que le reflet dans le phare.
N’apparaissent plus alors que la maison légèrement déformée et des éléments de verre exprimant des textures et des formes diverses.

Depuis des années, je caresse le projet d’engager des modèles et de les photographier en studio ou dans des décors intimes, en portraits ou en nus.
 En 2004, j’ai découvert un site internet de photographies de jeunes femmes presque toujours nues, la plupart du temps dans des décors naturels : jardins, plages, montagnes, cours d’eau.
Ce site a bien sûr une vocation érotique, mais les photographes y développent un talent que je trouve au moins aussi  excitant que la beauté dévoilée des modèles, et ces jeunes femmes dégagent des charmes naturels qui me touchent beaucoup.
On entre bien sûr là dans le domaine du fantasme pur, mais j’aimerais beaucoup entamer des projets dans ces directions.
Un de ces jours peut-être.

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mardi 10 août 2010

Photomanie 2

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« Clic clac ! »

C’est le bruit que faisaient traditionnellement les anciens appareils photo analogiques.
Que font à présent les appareils digitaux ?
Vérification faite,  le mien fait plutôt « snikt ! ».

Et donc je fais  « snikt, snikt, snikt ! » souvent des dizaines de fois par jour, parfois des centaines.
Car la première merveille de l’Ere Digitale, c’est de ne pas être limité dans le nombre de photos prises, ou alors uniquement par la durée de vie de la batterie ou la capacité de la carte mémoire chargée. Et dans mon cas, c’est environ 150 photos par charge de batterie, ce qui est  tout-à-fait suffisant pour une session photographique même intense.

Cette liberté d’action me permet à l’occasion de « mitrailler » un sujet unique difficile, et ensuite de faire le tri entre les images complètement ratées et celles qui ont du potentiel.
Autrefois, j’aurais été fatalement limité par les pellicules à 36 «pauses » (c’est par ce terme que l’on départageait communément les différents films). Imaginez que j’aie photographié un sujet une trentaine de fois. Que faire de la fin du film ? Le terminer ou changer préventivement de pellicule au risque de manquer l’occasion idéale ?

Un autre  avantage majeur du numérique sur l’argentique réside dans le traitement de l’image après sa capture.
J’ai déjà décris ma frustration de ne pas avoir su développer et tirer mes photos argentiques moi-même.
A présent, non seulement j’obtiens des résultats souvent proches de l’effet rêvé, mais en plus j’ai le plaisir de manipuler moi-même les outils pour arriver au résultat final, de décider au millimètre près du cadrage, de travailler le contraste ou la tonalité de l’image avec des variations multiples.


Août 2010. Jersey. Un exemple de sélection après "mitraillage".

samedi 26 juin 2010

Photomanie 1

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Jusqu’à 13 ans, j’ai eu un appareil de photo « Kodak  Instamatique » que l’on chargeait grâce à une cartouche en plastique rigide dans laquelle le film était stocké roulé à une extrémité et s’enroulait à l’autre.

J’ai aussi brièvement possédé un appareil offert dans le magazine « Pif Gadget », un ancêtre des « jetables » popularisés une vingtaine d’années plus tard. Le procédé était très ingénieux : on achetait en parallèle du magazine une cartouche de film « Kodak » et on y fixait un système mécanique rudimentaire comprenant une lentille plastique, un déclencheur manuel (l’utilisateur évaluait lui-même la vitesse d’obturation) et un enrouleur. Une fois le film finit, on démontait les pièces de la cartouche et on les remontait sur une autre cartouche.
Les résultats obtenus n’étaient guère spectaculaires mais tout-à-fait acceptables pour un usage purement ludique.

Vers 13 ans, ma mère m’offrit mon premier « réflexe », un « Ricoh » avec lequel j’eus une véritable révélation créatrice. Je conserve encore aujourd’hui de nombreuses photos prises avec.
J’ai envisagé à une époque à apprendre à développer moi-même mes photos mais n’ai jamais franchi le pas. Du coup, je dépendais toujours d’un laboratoire professionnel pour faire le travail. J’avais presqu’exclusivement recours au même, à qui je donnais  des instructions assez précises de contrastes et de cadrages, mais j’étais rarement satisfait par le résultat.

J’ai ensuite commencé à utiliser un « Polaroïd », dont le procédé de développement immédiat me fascinait. Pendant plusieurs années, je n’ai presque plus utilisé mon « réflex », d’autant moins depuis que  mon labo de prédilection avais alors fermé.
C’est aussi dans cette période que j’ai pris l’habitude d’emporter mon Polaroïd partout ou presque avec moi. Ce n’était guère pratique car c’était un appareil relativement encombrant, mais c’est par ce biais que j’ai développé une tendance à prendre des clichés de mon environnement immédiat.
J’ai dû rapporter une fortune en pellicules à la firme à une époque où ses affaires périclitaient par ailleurs. Imaginez : chaque film de 20 poses coûtait dans les 25 FS !
Et pour ce prix, on n’obtenait que des clichés uniques de petite taille, dont la durée de vie était limitée : 5 ans après, ils se sont presque tous évaporés.
Seuls subsistent ceux que j’ai conservés à l’abri de la lumière.

Je suis entré dans l’ère digitale contre mon gré, et le plus tard possible. J’étais à l’époque convaincu qu’il était impossible de faire des photos artistiquement viables avec ce type de support.
Je ne l’utilisais donc que pour des usages professionnels ou pratiques, et seulement petit-à-petit dans une démarche plus esthétique.
A présent, je n’envisage pas de revenir à l’argentique.

Le digital est devenu mon ami.
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Photos prises le jour où j'ai reçu mon premier appareil reflex, en 73 ou 74.
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dimanche 20 juin 2010

Cinémélomanie.

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« Tu pourrais me trouver une musique de Lalo Schifrin ? »

Une telle question, venant de Louis, l’aîné de mes neveux, m’a pris au dépourvu. Jamais auparavant je ne l’avais vu faire preuve d’un intérêt spontané pour de la musique de films.
Je lui en ai souvent fait écouter, et j’en ai même souvent fait la promotion d’une manière appuyée, je l’avoue, mais c’est bien la première fois qu’il m’en réclamait, et sans aucune provocation préalable de ma part.
Et pour Lalo Schifrin, en plus, compositeur pour lequel j’ai une passion récente toute particulière.

Mon neveu cherchait-il un titre particulier ? Mieux que ça : apparemment, un morceau l’avait particulièrement marqué. Il avait noté le titre quelque part mais était incapable de me le fournir à l’instant. J’en conclus que ça ne pouvait être que le Main Title de « Medical Center », une série TV de 1969 que je lui avais fait écouter quelques semaines auparavant mais n’en dis rien et décidai de lui préparer une petite sélection de mon cru en format MP3 sur une clef USB.
Celle-ci se composa au final de sept CDs comportant les titres les plus connus de Schifrin, tous des années 60 et 70 (« Dirty Harry », « Bullitt », « Mission : Impossible », etc…) et deux trois choses plus obscures de lui mais néanmoins remarquables; j’y rajoutai quelques titres d’autres compositeurs de sensibilité voisine.

Je dois avouer que lorsque j’ai présenté toutes ces musiques à Louis, j’étais nettement plus excité que prévu. Je pensais lui laisser la clef et m’en aller, mais je n’ai pas pu m’empêcher de vanter les mérites de chacun des CDs à l’origine de la sélection.
Mais lorsque je lui ai soumis « Medical Center », il s’est montré… intéressé, mais ce n’était pas le morceau qu’il attendait. « Dirty Harry », peut-être ? Non. « Bullitt » alors? Pas du tout.
Mais alors quoi ?

Il est allé chercher son téléphone portable sur lequel il avait noté un titre : « Prelude to War ».
J’ai tout de suite reconnu le titre du morceau, que je lui avais fait écouter, il y a fort longtemps.
« Prelude to War » apparait dans « Battlestar Galactica » Saison 2. Musique composée par Bear McCreary en 2005.
“Ah oui, c’est ça: Bear McCreary!” s’est exclamé Louis. « Ce n’est pas de Schifrin ? »

Non, ce n’est pas de Schifrin, mais… c’est bien aussi.

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jeudi 3 juin 2010

Repas Familial.

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Il y a quelques jours, j’ai été dîner chez ma sœur Monique avec ses trois fils: Henri, 12, Charles, 14 ans, et Louis, 16 ans. Son mari est actuellement en voyage d’affaires.
En fin de soirée, elle m’a confié que sa condition de mère lui pesait, et qu’elle commençait notamment à trouver difficile de préparer quotidiennement des repas pour toute la famille.

« Et pourquoi tu ne proposes pas aux garçons de faire le dîner à tour de rôle, une fois par semaine ? »

Elle a soupiré :

« Ils ne voudront jamais.

- Tu en es sûre ? On va vérifier.

Et sans plus attendre, je suis allé retrouver Charles, qui s’entrainait à la guitare dans sa chambre :

« Ca te dirait de préparer à dîner pour toute la famille une fois par semaine ? »

Quelques peu intrigué, il a haussé les épaules :

« Faut voir. Ca serait payé ? »

J’avais anticipé cette question. Il y a deux choses que je sais de Charles : il aime faire la cuisine, et… gagner de l’argent.

« Combien tu demanderais pour préparer à dîner ?

- Juste préparer le repas ?

- Non, faire les courses, mettre les couverts, préparer le dîner, le servir, et ensuite débarrasser la table et faire la vaisselle. »

Il a réfléchi quelques instants, puis il a déclaré :

« Trente Francs. » Il s’est ensuite ravisé, soudain conscient de l’ampleur de la tâche : « Non, Trente cinq.

- Pour trente cinq francs, tu le ferais ? »

Il a acquiescé :

« Maman serait d’accord ?

- On va voir. Je te redis dans cinq minutes. »

Puis je suis allé voir Louis et Henri et je leur ai fait la même proposition, ce à quoi le premier a proposé :

« Trente francs. »

Et le second :

« Moi je le ferai pour vingt-cinq. »

Du coup, le premier s’est ravisé :

« Ok, je le ferai aussi pour vint-cinq. »

Puis il a brièvement réfléchi :

« Non, trente francs. Tu crois que c’est bien, trente francs ?

- Je ne sais pas. On va voir. »

En fait, j’exultais de mon stratagème.

Je suis ensuite retourné voir ma sœur :

« Combien tu serais prêt à payer tes fils pour qu’ils fassent à manger une fois par semaine ?

- Juste à manger ?

- Non, ils feraient les courses, mettraient la table, prépareraient le repas, le serviraient, puis rangeraient et feraient la vaisselle. »

Elle a réfléchi, puis :

« Ca fait pas mal de boulot tout ça. Cinquante francs ? Non, attends, cinquante francs c’est trop…. (une pause, puis : ) trente-six francs ! »

Elle s’est bien arrêtée sur ce nombre, pas un franc de plus ou de moins! L’esprit maternel a des méandres…

Je lui ai ensuite révélé quelles sommes ses fils avaient réclamées et je suis retourné les voir pour leur dire que leurs propositions avaient été acceptées.
Il a ensuite fallu déterminer qui ferait à manger quel soir, puis l’affaire était réglée.

Je suis ensuite rentré chez moi, assez content d’avoir pu apporter une petite pierre à l’organisation de ma proche famille.
Plus tard, cette joie s’est quelque peu dissipée lorsque j’ai pris conscience qu’il y avait très peu de chances que ce projet voie réellement le jour.
Le lendemain, ma sœur aurait probablement tout oublié, et la réalité aurait repris son cours.
Le surlendemain pourtant, j’y ai repensé lorsque j’ai retrouvé Monique pour déjeuner :

« Alors, tes enfants vont te préparer à manger ou pas ? »

Et à ma grande surprise :

« Mais oui, tout-à-fait, demain soir, c’est Charles qui inaugure ! Et Louis et Henri parle déjà de ce qu’ils vont préparer par la suite ! »

Et moi, j’ai la satisfaction d’avoir pu changer le cours du Monde.
Enfin, d’un petit Monde, mais c’est un début, non ?


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dimanche 30 mai 2010

Moral et objet perdus.

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Depuis quelques semaines, mon humeur suit une courbe descendante.
A l’origine de cette dépression se trouve probablement le départ abrupt d’une employée. Celui-ci se préparait déjà depuis un moment : suite à des insatisfactions répétées de ma part, je lui avais donné un ultimatum il y a environ trois mois aux termes duquel si elle ne faisait pas de gros efforts, je me verrais forcé de lui donner son congé, et c’est finalement elle qui a démissionné.

Je me retrouve en conséquence à travailler deux à trois fois plus, à ruminer les raisons de cet échec professionnel et relationnel, incapable pour l’instant d’engager quelqu’un d’autre, et globalement à m’épuiser physiquement et émotionellement.

Hier soir, ce sentiment de dépression a atteint un pic lorsque, de retour à la maison pour une soirée de week-end, je me suis trouvé incapable, comme je l’avais préalablement décidé, de m’atteler à reprendre mon blog, et tout aussi incapable de regarder le film qu’un client m’avait prêté.
En fait, je me suis rendu compte que je n'arrivais pas à avoir la moindre activité ludique.

Je me suis donc finalement résolu à aller faire une balade avant d’aller me coucher relativement tôt.
Comme la soirée semblait assez douce et que je comptais sortir en chemise et en bermuda, je me suis débarrassé de tous les objets superflus, et n’ai gardé au final que quelques pièces de monnaie, trente francs en billets, mon appareil de photo, mon Iphone et… la clef de mon appartement que j’ai détaché de mon trousseau et rangé dans la poche supérieure droite de mon bermuda.

La promenade a finalement été de courte durée car il faisait nettement plus frais que prévu.
Au retour, je n’avais plus qu’une envie : retrouver les bras de Morphée.
Mais voilà que (hé oui !) en plongeant la main dans ma poche droite, je n’y trouve plus la clef de chez moi !

J’essaye une à une les autres poches et toujours rien. Comme mon bermuda a six poches en tout, je les réexamine une-à-une, et : non, je les avais bien toutes vérifiées.
Comme toujours dans ses cas-là, je commence à envisager le pire, et dans le but de l’exorciser, je vide illico toutes mes poches : je me retrouve avec les pièces de monnaies, les billets, l’appareil de photo, l’Iphone… mais pas de clef.
Au désespoir, je vérifie sous le paillasson, sachant bien que je n’y trouverai rien.
Je suis à un souffle de m’effondrer en pleurs sur les marches de l'escalier. Que puis-je faire ? Je ne peux appeler un serrurier ou ma sœur : je n’ai pas pris mon téléphone portable. Je peux me rendre directement chez ma sœur, mais il est presque 22h et… que pourra-t-elle faire ?
Je veux juste aller me coucher au chaud, dormir, tout oublier.

Ma détresse atteint son comble, lorsqu’une petite voix, mais très petite, je l’entends à peine, me souffle :
« Ta clef est dans ta poche droite, vérifies encore. »
J’en extrais mon I-phone, je le palpe, je démêle nerveusement les fils des écouteurs, et là, au sein de la mini-pelote, ma clef réapparait.

Je n’ai aucun souvenir de la suite.
Je me suis endormi à une vitesse record, et j’ai émergé une dizaine d’heures plus tard, avec un sentiment d’angoisse toujours logé au creux du ventre.
Une journée de plus à affronter.
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samedi 15 mai 2010

Il est né, le divin Hydrocéphale.

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Je suis couché sur une surface dure et froide.

Une infirmière m’a préalablement demandé de me déshabiller jusqu’au slip et a vérifié que je n’avais aucun objet métallique sur moi. ni prothèse, ni pace-maker.

J’ai un peu froid, mais c’est supportable.
L’infirmière me demande si j’ai froid, et je réponds que non. Je regrette presque immédiatement, parce qui si je dois rester couché là et immobile plus qu’une demi-heure –et c’est effectivement prévu- je finirai par avoir froid.
Elle revient quelques minutes plus tard et m’explique la nature de l’examen que je vais subir. Elle me propose des tampons pour les oreilles, car ce sera assez bruyant. Je les accepte bien volontiers. Puis elle me suggère un calmant léger.

« Certaines personnes en ont besoin. Ca les aide à se détendre et à supporter l’immobilité totale. »

« Non, non, ça ira, merci. »

Zut. Et si ça ne va pas ?

« Vous n’êtes pas claustrophobe ? »

« Non, pas du tout. »

Si, un peu.

«Et vous êtes sûr que vous n’avez pas froid ? »

« Non, non. »

Alors qu’elle s’éloigne, je me vois partir à sa poursuite :

« Si, si, j’ai froid. Qu’est-ce que vous proposez ? »

En attendant son retour, je rumine des versions alternatives, et quand elle réapparait, c’est pour m’annoncer :

« On va y aller, alors. Vous êtes prêts ? »

Non, j’ai froid. Je ne suis pas bien installé. Je suis fatigué et j’ai faim et soif. Je sens venir une envie de pisser.

« Je peux avoir de la musique pendant l’examen ? »

Elle me sourit et me fait non de la tête.

« Vous aurez un miroir au-dessus des yeux qui vous permettra de voir le local et si vous avez le moindre problème, vous actionnez cette poire. » Elle me la place dans la main, je l’écrase pour voir : une sonnerie retentit.

« Mais si vous le faites, ça mettra effectivement fin à la séance. Il faudra tout arrêter et peut-être fixer un nouveau rendez-vous. Vous êtes bien installé ? »

J’acquiesce.

Elle repositionne ma tête et l’immobilise avec des sangles, puis place deux gros plots très fermes contre mes tempes.

« Je pourrais bouger les pieds pendant la séance ? »

«  Il vaut mieux pas. »

« Et me gratter le nez ? Ou éternuer ?

«  Si vous devez le faire, faites-le maintenant. »

Je me dis que finalement, si ça échoue, ce n’est pas si dramatique que ça. On recommencera une autre fois.

« On y va, alors. A tout à l’heure. Courage. »

Pourquoi, « Courage » ?

Suit un long silence.
Grâce au miroir au-dessus de moi, je la vois derrière une baie vitrée, s’affairer avec un technicien. Ou peut-être les deux se préparent-ils une soirée en amoureux.
Ils semblent en tout cas m’avoir complètement oublié.

La voix de l’infirmière retentit soudain dans un haut-parleur, avec un écho métallique :
« Vous êtes prêt ? »
Non, en fait je pensais sortir me promener, tout sanglé et immobilisé dans mon carcan.

Et ça commence :
DONG. DONG. DONG. DONG. DONG. DONG. DONG. DONG. DONG. DONG. DONG. DONG. DONG. DONG. DONG.

Comme ça pendant presque deux minutes, puis un silence assez long, et ensuite :
BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM. BOM.

De nouveau un long silence, puis une nouvelle séquence de bruits de plus en plus forts. Je commence à compter les secondes, ayant déterminé que chaque séquence sonore dure entre une minute et deux minutes trente.
J’imagine que chaque séquence est une nouvelle création techno, mais ça n’aide pas.

BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE. BITE.
Ecrit, c’est bizarre, mais c’est vraiment comment sonne une des séquences.

CUL. CUL. CUL. CUL….
Non, là, je déconne.

Sans m’en rendre compte, au bout de la quatrième ou cinquième session, j’entame des exercices de mâchoire, puis je commence à me frotter le crâne contre les plots. Mais, du coup, j’ai certainement bougé!
Je m’attends à tout moment à ce que l’infirmière vienne m’annoncer que tout est à refaire, mais elle ne vient pas.
Une des pauses s’éternise.
Sa voix  retentit à nouveau :

« On a fait la moitié. Ca va toujours ? »

« Oui, oui » je fais, mais je ne sais pas si je suis entendu.

Puis de nouveau :
ROM DOM DOM DOM DOM DOM DOM DOM ROM DOM DOM DOM DOM DOM DOM DOM DOM….

Je repense au diagnostique de la neuropsychologue quelques jours plus tôt : des accidents cérébraux en cascade.
Mon esprit se désagrège graduellement, se disperse dans le néant, portion par portion.
Je ne serai bientôt qu’un légume.
Ou j’ai peut-être une tumeur qui grossit, grossit, grossit.
Il ne me reste peut-être que quelques semaines à vivre. Peut-être même moins.
Un gros coup de stress, un anévrisme, et hop, c’est fini.
Peut-être ne survivrai-je pas à cet examen ?

PING PING PING PING PING PING PING PING PING PING PING PING PING PING PING PING PING PING PING PING
Et puis y en a marre.
J’ai des fourmis dans les pieds. Je commence à les frotter l’un contre l’autre. Du coup, tout me corps se tortille. 
J’ai foiré la séance, c’est sûr.
De nouveau un long silence, puis de nouveau la voix :

« C’est fini, je vais venir vous libérer dans quelques instants. Détendez-vous. »

Cinq minutes plus tard, je me rhabille, et l’infirmière m’annonce que je pourrais  examiner les images de l'IRM avec le technicien.
Celui-ci vient bientôt me chercher en salle d’attente.

« Alors, qu’est-ce que ça donne ? » je demande.

- Vous avez été parfait. Les images sont très nettes.

- Vraiment?

Je suis honnêtement très surpris.

Il me montre des formes abstraites noires et blanches sur des larges feuilles de pellicule plastique. Je désigne une large zone toute noire :

«  C’est mon cerveau, ça ?

- Tout-à-fait. Enfin, non, là c’est du vide. Enfin, pas du vide : du liquide encéphalique. De l’eau, quoi. Votre masse cérébrale est ici »

Et il montre une bande pas très large, plus claire, sur les côtés de la feuille.

« Ca ? Mais y en a très peu ! »
Je n’arrive pas à y croire.

«Votre cerveau a accumulé toute cette eau qui normalement s’évacue par le cuir chevelu. Chez vous, elle ne s’évacue plus, alors l'eau s’accumule,  s’accumule, poussant la masse cérébrale contre les parois. Vous avez des maux de têtes fréquents ? »

J’acquiesce.

« Ce n’est pas étonnant. Depuis longtemps ?

- Quelques mois, deux ou trois ans peut-être. Du coup, c'est grave?

- Non, ça s'opère. Mais à votre âge, il ne faut pas espérer une amélioration. Ce qui est perdu est perdu. On peut par contre stabiliser le processus. Empêcher qu'il ne s'aggrave.

J'ai du mal à intégrer toutes ses informations. C'est trop, trop vite.

- Et donc, la cause de mes maux, ce ne sont pas des accidents cérébraux ? Je pensais voir des tas de petites tâches.

- Des accidents ? Ah non, pas du tout. Qui vous a parlé de ça ?

- Une neuropsy. Mais alors, j’ai quoi ?

- Vous ? Vous êtes hydrocéphale. Enfin, vous êtes atteint d’hydrocéphalie.

Je suis  hydrocéphale.
De retour dans la rue, j’hésite entre aller boire un thé et reprendre le travail.
Je n’ai pas le cœur à ruminer. J’opte pour le retour au magasin.
J’ai des vertiges et je manque à tout moment de tomber.

Je suis hydrocéphale.
Il y a beaucoup de circulation.
C’est le début des soldes d’été et  des départs en vacances. Ca se bouscule un peu partout.
Beaucoup d’enfants particulièrement, des familles. Des couples amoureux. Des gens qui s’affairent et se pressent en tous sens.

Je suis hydrocéphale.
Ma vie s’arrête là. C’est terminé.
Il n’y a pas de réelle guérison. Pas de retour en arrière.

Je suis hydrocéphale.
J’essaie de me convaincre que c’est un rêve.
Je vais bien. Je respire, je marche. Je pense, donc je suis.
Hier, je me suis baigné au lac. J’ai mangé un banana split avec Celia. On a été au cinéma. On a dormi. On a fait l’amour. Et demain, on le refera sans doute.
Ma vie n’est pas finie.
La chanson n’a pas changé.

Si, elle a changé. Elle a un nouveau refrain.
 Je suis hydrocéphale.
Je n’ai plus qu’à en réécrire les couplets et à vivre avec.

Je suis hydrocéphale.

Je suis hydrocéphale.

Once more, with feeling.

jeudi 13 mai 2010

Objets Perdus 3: Les Clefs du Paradis.

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Cet après-midi, jour férié de l’Ascension, je suis allé faire du rangement au magasin.
Au bout de deux heures à classer des CDs, j’ai la tête qui cogne et des vertiges.
Il est temps de faire une pause.

Le Paradis, une terrasse-buvette au bord du Rhône, est hors de question, car la météo n’est pas fameuse, mais rien ne m’empêche de faire comme si : une ballade de pure relaxation le long du quai.
Hop, ma veste, une plaque de chocolat noir (à la pistache, merci Bridget !), une bouteille de thé froid à la menthe, un carnet et un crayon pour des notes éventuelles, et je suis prêt.
Il ne manque plus que … mes clefs.

Je plonge machinalement la main dans la poche droite où je les mets toujours, mais ma main ne rencontre que le vide.
J’en suis d’autant plus sûr que depuis une année, mes clefs sont retenues par un gros mousqueton qui les rend très identifiables au toucher.
Et là, pas de doute, la poche droite est vide.
J’essaye la gauche, sans plus de succès.
Dans ma veste ? Non.
Aurais-je laissé les clefs sur la porte ? Oui, c’est sûrement ça. Mais non, elles n’y sont pas.
Dans mon sac, alors ? Il m’arrive, en été, lorsque je porte des bermudas, de les laisser dans la poche de devant.
Je le fouille de fond en comble, mais rien.

Je passe plusieurs fois nerveusement les mains sur mon pantalon pour confirmer que mes poches, parfaitement plates, sont effectivement vides de clefs.
Je ne vais quand même pas rester enfermé le reste de la journée et de la nuit dans mon propre magasin ! Ni même appeler un serrurier pour me libérer.
Il me reste heureusement une solution de dernier recours : une porte-fenêtre dans le bureau mène dans la cour intérieure de l’immeuble. Je peux toujours sortir par là, mais alors comment ensuite rentrer chez moi ?
Il me revient que j’ai laissé des doubles au fonds d’un tiroir il y a plus d'un an, pour une éventualité comme celle-ci.
Je vérifie, et n’y trouve curieusement que celles de chez moi. Mais bien sûr ! J’avais déjà utilisé le double du magasin il y a quelques mois, lorsque j'avais égaré  mon trousseau sur une étagère ! Je n’avais ensuite pas dû remettre toutes les clefs en place.

Bon, mais ça ne me dit toujours pas où est passé le set de clefs initial.
Une fois de plus, je plonge la main droite dans la poche, qui est toujours désespérément vide. Sauf que cette fois, tout au fonds, mes doigts rentrent en contact avec une surface métallique. Mais c’est beaucoup trop petit pour être une de mes clefs, et encore moins le mousqueton.
Mes doigts continuent néanmoins d’explorer ce curieux objet et, petit-à-petit, celui-ci acquiert du volume, et une forme. De mousqueton. Et au bout du mousqueton, une première clef, plus une deuxième. Puis cinq en tout, dont celle du magasin, qui fait bien 10 centimètres de long et se termine par des dents aiguisées en étoile.
Mon sentiment de panique s’estompe.

J’ai toutefois plus que jamais besoin de ma pause. Et, qui sait ? Peut-être que dans le cours de ma promenade, je trouverai le Paradis ?
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lundi 3 mai 2010

Le Concert

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Il y a quelques années, j'ai failli me faire écraser par un bus, et dans les secondes qui ont suivi, j'ai revécu la scène, mais avec une issue fatale. Je ne sentais plus mon corps et j'étais dans un décor très similaire aux scènes idylliques de WHAT DREAMS MAY COME ("Au-delà de nos rêves"?). Sauf que ce n'est pas Cuba Gooding Jr qui m'accueillait, mais Bernard Herrmann.

Il m'a pris par le bras, très gentiment, et après m'avoir assuré que tout irait bien dorénavant, il m'a invité à une représentation "dead" d'une de ses oeuvres post-mortem.

Je me suis assis sur des grands gradins blancs qui auraient pu être inconfortables mais ne l'étaient pas.

J'étais le seul spectateur.

Il a levé les bras, et un orchestre invisible à commencé à jouer.

C'était merveilleux.

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samedi 1 mai 2010

Le Jardin

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J’ai négligé mon blog depuis une dizaine de jours : les 2 derniers billets ont été rédigés avant leur date de parution.
J’ai aussi un peu délaissé mon magasin.
Ou plutôt, je ne l’ai pas délaissé : j’ai simplement consacré une énergie important à un autre domaine : mon combat contre les « bonneteaux ».

J’ai par exemple préparé un prospectus à distribuer aux commerçants directement affectés par les bonneteaux, les encourageant à les boycotter.

J’ai créé un avatar de super-héros (!) sur Facebook sur la page duquel j’explique en détail mes ambitions et la source de mon courroux de justicier. J’ai aussi créé un groupe de discussion intitulé : « Devenez un kick ass! Dites non à la criminalité urbaine! ».

J’ai enfin rencontré un ami agent de police pour lui soumettre de possibles stratégies contre ces  bonneteaux.
Cette discussion a achevé de me décourager et de me déprimer. Selon cet officier, pas grand-chose ne peut être entrepris contre ces escrocs de rues.
Le problème ne vient pas tant d’après lui dans la manière de les appréhender, mais plutôt quoi en faire une fois qu’on les a attrapés.

« Tu comprends, me dit-il, les tribunaux ont déjà beaucoup de retard dans le traitement des affaires criminelles, et puis… les prisons sont pleines.

Devant ma proposition de créer de nouveaux centres de détention, plus rudimentaires que nos prisons actuelles, il m’a répondu :

« A Zurich, ils ont créé des centres provisoires pour les délinquants et les hooligans, par exemple. Mais à Genève, ce genre de choses ne passera jamais. Et puis, tout ça coûte de l’argent. Qui va payer ? Les citoyens genevois ? Mais ils n’accepteront jamais ! Tu veux que je te dise ? Les genevois ont la justice qu’ils méritent. »

Je précise ici que mon avatar de justicier sur Facebook a rencontré un certains succès, mais plus pour son caractère ludique que pour ses ambitions affichées.
Quant au groupe de discussion, très peu de gens s’y sont inscrits, et personne ne semble vouloir y contribuer.

J’ai abordé le sujet avec des amis et la famille, et invariablement, les réactions sont concordantes : « A quoi bon ? Les bonneteaux, c’est un jeu, non ? Arrêtes-ça, c’est dangereux. Laisses faire la police. Autant s’occuper des gros criminels avant de s’attaquer aux petits… »

Autrement dit, je n’ai reçu aucun soutien, même symbolique, aucun encouragement, ni même de réel élan sympathique.
Du coup, je me lasse, je me décourage.

En dernier recours, j’en ai parlé à mon médecin, qui m’a répondu : « Et votre magasin, et votre santé, et votre vie amoureuse ? Vous vous dispersez. »
Je dois reconnaître qu’elle a raison. Je me disperse, et je dépense une énergie dans un domaine où on ne m’attend pas, et dans lequel je n’ai aucune efficacité.

A ce compte-là, autant suivre le conseil de Voltaire, et s’occuper d’abord de ses petites affaires, cultiver son jardin.
Le problème c’est que par « Il faut cultiver son jardin», Voltaire voulait dire qu'il faut s'appliquer à faire évoluer la société et à la rendre meilleure plutôt que s’occuper de considérations abstraites.

Je vais donc dorénavant pervertir son dogme en m’occupant de mes affaires et laisser la mauvaise herbe gagner sur le Jardin.

vendredi 23 avril 2010

Le ongles des pieds.

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Lundi, j’ai accepté au magasin d’être interviewé par téléphone par une journaliste du quotidien vaudois Le Matin, au sujet de la sortie prochaine du film IRON MAN 2. Elle devait me rappeler chez moi le lendemain matin vers dix heures. Pour être sûr d’être bien présentable, j’ai été jusqu’à me couper les ongles des pieds avant son appel.

Je lui ai raconté comment à 13 ans, j’ai lu ma première aventure de Iron Man, où il combattait un méchant qui projetait des flammes avec ses mains, Firebrand. J’ai compris à l’épisode suivant seulement que Firebrand était en fait le méchant qui défendait les sans abris et les étudiants en révolte, et Iron Man le gentil qui soutenait les industriels et la Guerre au Vietnam!

J’ai eu beaucoup de mal par la suite à ressentir la moindre empathie pour ce salaud impérialiste d’Iron Man !
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Les Courses des Mendiants.


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Hier soir, ayant fini mes courses chez Manor, je me suis tout naturellement dirigé vers la caisse où il y avait le moins de monde.
Au bout de quelques minutes, j’ai remarqué que les caisses à ma droite et à ma gauche étaient évidemment beaucoup plus fluides que la mienne.
Je m’apprêtais à en changer lorsque j’ai pris connaissance de la cause du ralentissement : devant moi, un couple de mendiants que j’avais remarqué depuis des mois en ville faisait ses courses, comme tout le monde.
Enfin, presque comme tout le monde, parce qu’eux, ils payaient en monnaie. Une montagne de monnaie.
Logique.
J’ai ensuite noté que la caissière, une jeune caissière que je n’avais jamais remarquée avant, et je l’aurais remarquée : qu’est-ce qu’elle était belle ! Cette jeune caissière donc, comptait cette monnaie avec une lenteur irréelle, excessivement laborieuse : une pièce de vingt, une pièce de dix, une pièce de vingt… non, de dix. J’allais attendre mon tour toute la soirée.
Mais qu’importe ! Elle était sublime, avec ses gestes lents, presque de ballerine, et son regard qui avait peine à se fixer sur les petites pièces.
Parfois, elle levait brièvement les yeux vers le magasin, comme pour chercher de l’aide.
Et moi, j’avais envie de lui dire :
« Prends ton temps, ma chérie, je ne vais pas te gronder, personne ne le fera. C’est bientôt fini, là, tu vois, plus que dix pièces. Là, c’est bien, ranges-les, sors le ticket, donnes-le à ces braves mendiants et souhaites-leur une  « Bonne soirée ! ». »
J’avais envie de la prendre dans mes bras et la consoler d’une première journée de travail qui n’en finissait plus.
J’avais envie, mais je me suis retenu.
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mardi 20 avril 2010

Objets perdus 2: les lunettes.

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Il y a deux jours, en rentrant chez moi, j’ai rangé mes lunettes de lecture dans leur étui et l’étui dans le sac à dos que je prends dans tous mes déplacements.
Seulement, quelques minutes après, j’en ai eu besoin, et je suis donc retourné les chercher dans mon sac.
Elles n’y étaient plus.
Comme j’étais absolument sûr de les y avoir mises, j’ai bien fouillé le sac jusqu’au fonds, et vérifié la petite poche sur le devant, sans succès.

A ce stade, je me suis dit que je devais me tromper sur mon souvenir, et j’ai vérifié les poches de ma veste, sans résultat.
J’ai été voir devant mon ordinateur, endroit logique pour des lunettes de lectures : rien non plus.
A la salle de bain, peut-être ? J’y serais allé, je les aurais machinalement posées sur le rebord de la baignoire pendant que j’allais aux toilettes ? Évidemment, cette possibilité niaient mon souvenir assez précis de les avoir rangées dans l’étui et l’étui dans le sac…
Donc, elles étaient dans mon sac.

J’y suis donc retourné, et j’ai refouillé mon sac. J’ai sorti chaque objet et je les ai alignés sur une table et les ai touchés un à un pour être totalement rassuré.
Bon, je ne suis pas certain à 100% que j’ai fait ça, mais j’en ai le souvenir très net.
En même temps, c’est totalement impossible vu la finalité de cette histoire.

Je me suis donc finalement résolu à utiliser une paire de réserve pendant les jours qui ont suivi, jusqu’à ce matin, où cherchant autre chose (évidemment !) j’ai finalement retrouvé cette fameuse paire de lunettes.

Dans son étui.
Dans mon sac à dos.
Dans la petite poche de devant.

Pour illustrer, j’ai pris une photo.



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vendredi 16 avril 2010

Bonneteau, bonnes poires.... 2.

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Ces derniers jours, j’ai commencé à entrevoir comment le problème épineux des « joueurs de bonneteau » pouvait être réglé. Comme celui des dealers, d'ailleurs.
Il faut d’abord, comme je l’ai écrit auparavant, reconnaître clairement la nature de ce fléau, et mettre en place une législation adaptée et… l’appliquer.
Ensuite, il faut étudier les stratégies d’action et surtout de fuite de ces escrocs et les contrer.
Ça ne doit pas être bien compliqué : il suffit de les faire surveiller et suivre quelques jours par des équipes en civil et ensuite, sur la base des informations recueillies, établir une stratégie d’action.

On pourrait, sur la base de leur terrain d’action usuel, reproduire plusieurs situations possibles d’interpellation qui permettraient de les attraper tous en une fois. Et une fois attrapé, on les maintiendrait en prévention un certain temps, dans des conditions… pas forcément très sympathiques, avec la promesse faite que s’ils se font prendre une deuxième fois, ses conditions seraient encore moins sympathiques.
J’ai pensé par exemple à un système où l’incarcération préventive se ferait non seulement de manière dispersée (un prévenu dans chaque prison et dans des villes éloignées) mais dans des cellules où ils seraient en compagnies de codétenus ne parlant pas leur langue, quitte à les changer souvent de cellules.
Tout ceci dans le seul but de les dissuader de recommencer, car un argument que j’entends souvent, c’est : « Mais pour eux, la prison, c’est le Paradis. Ils sont nourris et logés ». Il doit y avoir des moyens assez simples pour rendre leur incarcération un peu moins attrayante, sans aller par exemple jusqu’à les forcer à écouter du Chantal Goya 24 heures sur 24.

Mais revenons-en à la problématique de la police qui « ne peut rien faire ».
Comme un de leur terrain de chasse privilégié est un endroit très précis des Rues Basses (l’artère la plus commerçante de Genève), je me suis demandé ce que pouvaient en penser ceux qui étaient directement concerné par ce trafic peu attrayant, les magasins même devant lesquels ils se postaient.

Je suis allé voir le gérant de l’un d’entre eux, une grande enseigne de sport.
Très vite, il m’a servi le discours défaitiste classique : « On ne peut rien faire, on ne peut pas les renvoyer chez eux, l’Espace Schengen,… » et tout ça.
Oui, parce que les joueurs de Bonneteau, c’est la faute à l’Europe, forcément.

« De toutes façons, ces gens-là, ils n’ont rien, alors ils n’ont rien à perdre. Et puis, fondamentalement, ils ne font de mal à personne. Tout le monde les connait. Il faut vraiment être très bête pour se faire avoir à ce jeu-là.

- Mais vous n’avez pas peur que ce voisinage porte préjudice à votre commerce ? Les clients voudront peut-être moins venir ?

- Mais les gens les aiment bien. Ca les amuse de les voir faire.

- Je peux vous assurer que moi, ils ne m’amusent pas du tout. L’autre jour, le meneur a carrément agrippé un passant pour le pousser à jouer !"

Là-dessus, l’autre a haussé les épaules :

" C’est plutôt bon enfant, ce ne sont pas des vrais criminels. Ce qu’il faut, c’est combattre les gros bonnets, la véritable criminalité, ceux-ci ne sont pas bien méchants."

Et puis, très philosophe, il a lâché :

"Tant qu’ils restent dehors, je ne m’en soucie pas trop. Et quand bien même : qu’ils viennent dépenser leur argent ici si ça leur chante."

Pendant que nous en parlions, nous nous sommes rapprochés de la vitrine, et nous assistions en première ligne à leur manège :

« Vous voyez la blonde, là, elle fait la joueuse », qu’il m’explique, « mais elle fait partie de l’équipe. Le vieux monsieur qui semble hésiter à se lancer, et l’autre là, qui guette depuis le trottoir d’en face… »

Soudain, le groupe s’est agité, et en un souffle, il s’est dispersé.

« Ah, vous voyez" reprend le gérant "ils ont dû repérer des flics. Les lascars vont s’éloigner, attendre que ça passe, et plus tard, ils reviendront. »

Seulement, cette fois-ci, trois des joueurs se sont ravisés, dont le meneur, un colosse à l’allure de boxeur. Ils se sont introduits dans le magasin de sport pour se mêler à la clientèle.

J’ai alors vu le gérant devenir blanc comme un linge et abandonner aussi sec notre petite causerie pour aller s’affairer au fonds.
Je ne suis moi-même pas resté plus longtemps.
Que voulez-vous : la peur est communicative.

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Genève, le 15 Avril 2010. Rues Basses, devant le magasin de sport, vers 15h10.
Le meneur s'apprête justement à agripper un passant. Sinon, il n'y a toujours pas de joueurs sur cette image.

Bonneteau, bonnes poires…

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Depuis quelques semaines, Genève est envahie par des joueurs de Bonneteau.
Enfin, « joueurs »…
Plutôt des bandes parfaitement organisées qui, par petits groupes, prétendent jouer à ce jeu de rue où le seul but est finalement de voler son argent à celui qui voudra y participer.

En effet, il faut savoir que l’équipe qui joue au bonneteau se compose du meneur, qui manipule les cartes ou les boîtes avec un petit pois, les complices de première ligne dont le rôle est de créer un cadre convivial puis d’encourager le seul véritable joueur, et des complices de deuxième ligne qui se tiennent en retrait et guettent l'arrivée possibles de la police ou se tiennent prêt à prêter main forte au cas où ou le perdant serait… mauvais joueur.
Car le jeu fonctionne sur plusieurs principes simples : le plus basique consiste à faire croire au pigeon qu’il est facile de gagner, de le pousser à augmenter ses mises et, quand il est à point (à perdu le sens des réalités, a sorti ses plus gros billets, etc…), à s’arranger pour le faire perdre.
Ensuite, il y a la version plus directement crapuleuse : ça commence de la même manière, mais lorsque ce même pigeon (ou un autre, on n’est pas regardant au bonneteau) a sorti tout son argent, le meneur et ses complices n’ont plus qu’à garder l’argent et convaincre le pigeon d’aller voir ailleurs ou se disperser eux-même avec l’argent… volé.
Car dans un cas comme dans l’autre, ce n’est que du vol pur et simple.

Personnellement, la vision à présent quotidienne de ces escrocs de rue m’insupporte de plus en plus.
J’ai contacté la police par mail, photos à l’appui, et n’ai eu aucune réponse.
J’en n'attendais de toutes façons pas grand-chose, car j’ai déjà eu des contacts avec eux sur un sujet similaire, les dealers qui arpentent les rues et les parcs et haranguent sans relâche les passants : « Tu cherches ? T’en veux ? ». Ils provoquent par leurs seules présences un sentiment très fort d’insécurité et de malaise, le sentiment que le crime est partout et qu’on n’est pas protégé.
Et, malheureusement, avec le bonneteau, c’est pareil, en plus grave dans l’échelle de la criminalité, car ses pratiquants ne cherchent même pas à procurer une marchandise illicite et nocive, mais bien à détrousser leurs victimes.
Et donc la police est impuissante à faire cesser leur activité, car… ils n’ont pas assez d’effectifs, les escrocs sont trop malins, il n’y a pas de volonté assez forte pour régler le problème, les coupables ne risquent pas grand-chose avec la législation actuelle, de toutes façons les prisons sont déjà trop pleines, on ne peut les renvoyer dans leur pays, etc… etc…

Dans ce cas, si on ne peut rien faire pour se débarrasser des dealers et des joueurs de bonneteau, il me parait évident que l’information va circuler, et bientôt on aura un autre type de criminels dans nos rues, puis un autre, et un autre.
Et on aura alors un sujet de préoccupation autrement plus important que de veiller à la sécurité… des pigeons.

Et de toutes façons, sur ce coup-là, nous sommes déjà tous des pigeons.


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Genève, le 5 Avril 2010. Quai du Mont-Blanc, vers 13h30.
Il n'y a pas un seul joueur sur cette image.

Femmes de Fantasmes 2: Le Quatrième Mur.


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Hier soir, à l'initiative d’une amie, Bridget, nous sommes allés à un récital d'airs d'Opéra. Les airs étaient  chantés par un couple  accompagné, et le principal attrait de ce récital était pour moi la présence de Korngold au programme, avec l'"Air de Fritz" de DIE TOTE STADT.
Parmi les autres "hits" se trouvait  l' "Air des Bijoux" du FAUST de Gounod, autrement connu dans certains milieux comme... l'air de la Castafiore: "Ah je ris de me voir si belle en ce miroir!" C'était super rigolo de l'entendre enfin avec la musique, et interprété de manière tout-à-fait sérieuse. Sinon, une œuvre   "totalement inconnue" de nous, GIANNI SCHICCHI de Puccini, mais dont nous avons pourtant  instantanément reconnu la mélodie. Mais d'où? Une pub? Un film? Mystère.

Le reste du programme m’a moins intéressé.  A tel point  que j’ai commencé à me gratter nerveusement le poignet, et qu'à mi-parcours, je ne pouvais plus m'arrêter.
La soirée allait pourtant me réserver un moment de pure jouissance, qui est intervenu lorsque la très belle chanteuse a brisé le "quatrième mur" de la scène. 
Elle s’est dirigée dans un premier temps vers le public, a escaladé les gradins jusqu'à hauteur de ma rangée, puis s'est dirigée droit vers moi,  s'est assise à côté de moi, s'est serrée contre moi. Je venais à peine d’arrêter de me gratter lorsque, chantant toujours pour le reste de la salle, elle m’a agrippé le poignet douloureux, faisant instantanément disparaître la douleur.
Elle a commencé à défier son "amant" sur la scène, qui à son tour hurlait des insanités dans ma direction dans une langue extra-terrestre.
J'ai plusieurs fois essayé de dévisager la déesse, mais c'était impossible : à chaque fois,  elle me transperçait déjà de son regard avec un sourire aussi large que bienveillant. Son joli visage occupait alors l’intégralité de mon champs de vision. J'étais cramoisi d'embarras.

Elle s'est finalement penchée vers moi. Comment faisait-elle? Elle était déjà si proche! J'ai cru qu'elle allait me chuchoter quelque chose, mais au lieu de cela, elle m'a embrassé au creux de l’oreille, et tout aussi vite  qu'elle est venue elle est repartie vers la scène et... le quatrième mur s'est refermé.

Sauf que pour moi, il est resté entr'ouvert jusqu'à la fin du récital.
J'avais sans cesse l'espoir que cette vision de Paradis le refranchirait pour moi, rien que pour moi.

Plus tard, au bistrot, Bridget a interrompu notre conversation pour me désigner un groupe qui discutait à une table adjacente:
"Tiens, regardes,  c’est la chanteuse de tout  à l'heure."
J'ai regardé, mais je ne la reconnaissais pas du tout.
"Mais si, insista Bridget, je t'assure."

Non, ce n'était pas elle. Cette femme-là était une vraie femme, habillée et maquillée comme une vraie femme, qui tenait des propos ordinaires à des amis ordinaires, une femme dépouillée de toute aura magique.
Une femme comme on en croise tous les jours.

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La déesse des planches.

dimanche 11 avril 2010

Progrès marquant

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Je suis suivi depuis le mois d’octobre dernier par le Dr Isabelle Mornas.
Cette psychothérapie fait suite à deux autres : une avec le Dr André Copernic de juin 2007 à décembre 2008, et une très brève avec le Dr Hélène Jeanneret, de Février à Septembre 2009.
Le Dr Mornas est la première avec laquelle j’ai obtenue un résultat très encourageant.
Pour être juste, les deux premiers médecins ont quand même leur responsabilité dans ce succès. Mais je reste tout de même convaincu que Dr Mornas a été déterminante dans la spectaculaire amélioration de mon état.

Il me semble que plus que les deux premiers, elle a cherché à définir ce qui n’allait pas chez moi, et surtout, elle a apporté des réponses pratiques à mes maux.
Dr Mornas m’a par exemple aidé à mieux structurer mon emploi du temps, chose que Copernic avait déjà tenté, avec un succès très limité.
Elle m’a recommandé d’acheter un agenda au format « cahier d’école », avec les jours pré-inscrits, une page par jour, et d’y noter non seulement les tâches à accomplir, mais aussi de dresser le bilan factuel de chaque journée passée, et aussi le bilan émotionnel : étais-je content de moi, me sentais-je bien, avais-je fait des progrès ?
Pendant plusieurs semaines, j’ai bloqué : je n’ai pas acheté l’agenda, je ne comprenais pas bien ce que je devais y inscrire ou n’arrivais pas à me le rappeler une fois sorti de la consultation.
Le Dr Mornas aurait pu se fâcher de mon manque évident de bonne volonté, comme Jeanneret avant elle qui me reprochait de prendre des notes quand elle me parlait.

Mais non : le Dr Mornas* a été très compréhensive :

« Ce n’est pas grave, on a le temps. Je vous le redirai la prochaine fois.»

J’ai essayé dans un premier temps d’établir ce programme dans le cahier de notes que je possède déjà : ça a très bien fonctionné la première journée, sauf que l'ensemble était devenu illisible, et j’avais rempli quatre pages et non une.
J’ai donc adapté la stratégie du Dr Mornas à un fichier Word, que je garde en permanence sur moi sur une clef USB, sauf… quand j’oublie cette clef au travail ou chez moi ; mais, globalement, ça fonctionne !
J’écris bien « globalement » car, alors que je revois ces lignes, j’ai perdu cette clef chez moi, au moment où je m’organisais pour la journée ! Une seconde sous mes yeux, la suivante introuvable. J’ai encore des progrès à faire.

J’espère bien retrouver cette clef, pour que je puisse amener au Docteur, à la prochaine consultation, un document préparé par mes soins qui dira :

« CERTIFICAT DE CAPACITÉ DÉLIVRÉ PAR SON PATIENT AU DR MORNAS : Nous certifions par ce document que le Dr Mornas est apte à exercer la Médecine, et nous lui sommes reconnaissant des services rendus. Fait ce jour, mardi 13 avril 2010. Avec notre gratitude. L’Hydrocéphale.»
* je corrigerai les incohérence de genre dès que j'aurai résolu l'énigme grammaticale.
 

 Banana Split in Heaven. R.I.P. 11.4.2010. Genève.

jeudi 8 avril 2010

Serial Poinçonneur.

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J’ai repris contact avec Jérémie, un ami que j’avais quelque peu perdu de vue depuis longtemps.
Il y a une quinzaine d’années, il avait eu un retard de quelques minutes à un de nos rendez-vous, et pour le justifier, il m’avait raconté avoir séduit en chemin une inconnue dans le sous-sol de la gare. Mais séduit…. Séduit ? Oui, l’euphémisme habituel pour  « baisé ».
Je n’y avais pas vraiment cru, mais l’image de ce « single man » qui se « tape » des inconnues sur le chemin de ses rendez-vous m’avait marquée.
« Et alors, lui ai-je demandé l’autre jour, tu te fais toujours des nanas dans les toilettes de la gare ? »
Rires.
« Non, m’a-t-il répondu, mais il m’est arrivé autre chose récemment. Je devais passer par là pour rentrer chez moi, c’était tard le soir et il pleuvait.
Je préfère normalement éviter le sous-sol, mais comme je n’avais pas de parapluie, j’ai choisi cette voie.
Dès que j’y m’y suis retrouvé, j’ai pris peur et, machinalement, j’ai empoigné un couteau que j’avais ce jour-là dans la poche. De loin, j’ai vu arriver un groupe de jeunes vraiment pas rassurants, et au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient, ils se sont mis en formation de flèche, qui pointait dans ma direction.
Arrivé à ma hauteur, le « chef » me menace sans autre : « Tu sors pas d’ici sans me filer 100 balles ! » J’ai serré le couteau plus fort, et avec un sourire narquois, je lui ai lancé : « T’as la monnaie sur 200 ? » et là-dessus, je lui plante le couteau dans l’estomac ! Ils ont tous déguerpi à la seconde. »
Comme dit la chanson : « Des petits trous, toujours des petits trous… »

 Genève. Avril 2009.

mercredi 7 avril 2010

Ça n’arrive jamais.

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Il y a quelques années, je me rendais souvent à ma banque pour y trier la monnaie accumulée au magasin.
Depuis cette époque, j'ai appris à mieux la réguler, et mes visites y sont devenues plus rares.

Je versais donc la monnaie dans une machine qui, après l’avoir digérée, m’établissait un ticket que j’allais ensuite échanger au guichet contre des billets.
Seulement, plusieurs fois, le total de la machine ne correspondait pas à celui que j’avais établi au magasin.
Au début, je me suis dis que j’avais dû mal compter, mais à la longue, ça a fini par me contrarier. Et j’ai donc pris l’habitude de revérifier plusieurs fois mon total avant de m'y rendre.
A la première alerte manifeste, je n’ai eu aucun scrupule à me plaindre auprès de l'huissier de la banque qui m’a répondu, plein d’assurance :

« Ah ce n’est pas possible. La machine ne fait jamais d’erreurs.

- Et pourtant, j’ai rétorqué, il me manque cinq francs trente.

- Vous avez mal compté. C’est une machine. Elle ne fait pas d’erreurs.

-Et pourtant, je vous assure que si.

- Désolé, mais ce n’est pas possible. La machine ne se trompe jamais.

J’ai vraiment dû insister, parce qu’il a fini par me dire :

« Si vous voulez, on peut aller vérifier, mais ça ne sert à rien, elle ne peut pas se tromper.

- Vous me le proposez si gentiment.

Là, j’ai senti que je l’avais énervé, et à ce stade, j’étais partagé entre la certitude absolue que j’allais avoir gain de cause et la crainte qu’ "une fois de plus", la Machine aurait raison du misérable vermisseau que j’étais.
Le Concierge est allé chercher des clefs, s’est accroupi devant sa Majesté la Trieuse et, avec déférence, il lui a ouvert les entrailles :

« Vous voyez bien. La monnaie rentre par là, elle tombe dans les tubes, et elle ne peut pas aller ailleurs que…»

Sont soudain apparues des piécettes, qu’il a commencé à extraire, une à une : cinquante centimes d’abord, puis dix, puis vingt, et de nouveau dix, puis une pièce plus grosse de un francs, et même… une grosse pièce de cinq francs.
Et tout le long de cette recherche, le pauvre homme marmonne :

« Alors ça… pas possible. Mais… Comment est-ce… ? Mais non… »

En tout, il y en avait pour près de vingt francs de monnaies tombées… dans des endroits impossibles !
Une véritable orgie de triomphe!

J'aurais pu sauter les bras en l'air, tellement j'était ravi, et hurler, au milieu de la banque: "Adrienne! Adrienne!". Mais j'ai opté pour un triomphe modeste et discret:

« Alors, du coup, tout cet argent est à moi ? »

« Écoutez, je suis vraiment navré. » Cet Apollo Creed de la finance genevoise était tout déconfit, il faisait presque peine à voir. « Je n’y comprends rien. Ça n’arrive jamais. »

J’ai eu l’occasion de réclamer plusieurs fois par la suite, et la même chose est de nouveau jamais arrivée.

Plusieurs fois.

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 Genève. Janvier 2008.

Them bones...

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J’habite au n° 7 d'une rue la Vieille Ville de Genève.
Ce quartier est comme un Village hors du temps, où tout le monde se connait et se salue, même si on n'y est pas plus libre qu'ailleurs.
Il est difficile de le quitter tellement on s'y sent bien.

Ce matin, trois ouvriers creusaient une tranchée dans les pavés.
Une dame s’est arrêtée pour bavarder :

Elle : « Alors, ça avance, ces fouilles ? »
1er Ouvrier : « Vous croyez pas si bien dire, On trouve de tout là-dessous. »
- Ah bon ? Quoi par exemple ?
- Ben, des ossements.
- Oui, bon, des ossements…
- Humains.
- Humains ? Vraiment ?
- Bien sûr ! »

Là-dessus, il cherche à ses pieds et lui tend ce qui ressemble fort à une vertèbre, encore toute souillée de terre. Pas plus impressionnée que ça, elle l’examine, la retourne, et l’essuie.

« C’est vraiment un os humain ? Vous êtes sûr ? »
- Garanti. Il vous plait ? (Rire groupés des trois ouvriers.)
« Beaucoup, répond la femme avec une joie non feinte. Il est superbe. Je peux le garder ?

L’ouvrier dans la tranchée hausse les épaules :
« Si vous voulez…
- J’en ferai un bijou. (Elle continue de le débarrasser de sa terre.)
1er Ouvrier : « Un bijou ?»

Un deuxième ouvrier dévoile son mollet poilu:

« Si c’est pour en faire un bijou, prenez ma jambe, je vous la vends 10.000 FS ! »

Bonjour chez vous .


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 Genève. Mars 2010.