samedi 26 juin 2010

Photomanie 1

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Jusqu’à 13 ans, j’ai eu un appareil de photo « Kodak  Instamatique » que l’on chargeait grâce à une cartouche en plastique rigide dans laquelle le film était stocké roulé à une extrémité et s’enroulait à l’autre.

J’ai aussi brièvement possédé un appareil offert dans le magazine « Pif Gadget », un ancêtre des « jetables » popularisés une vingtaine d’années plus tard. Le procédé était très ingénieux : on achetait en parallèle du magazine une cartouche de film « Kodak » et on y fixait un système mécanique rudimentaire comprenant une lentille plastique, un déclencheur manuel (l’utilisateur évaluait lui-même la vitesse d’obturation) et un enrouleur. Une fois le film finit, on démontait les pièces de la cartouche et on les remontait sur une autre cartouche.
Les résultats obtenus n’étaient guère spectaculaires mais tout-à-fait acceptables pour un usage purement ludique.

Vers 13 ans, ma mère m’offrit mon premier « réflexe », un « Ricoh » avec lequel j’eus une véritable révélation créatrice. Je conserve encore aujourd’hui de nombreuses photos prises avec.
J’ai envisagé à une époque à apprendre à développer moi-même mes photos mais n’ai jamais franchi le pas. Du coup, je dépendais toujours d’un laboratoire professionnel pour faire le travail. J’avais presqu’exclusivement recours au même, à qui je donnais  des instructions assez précises de contrastes et de cadrages, mais j’étais rarement satisfait par le résultat.

J’ai ensuite commencé à utiliser un « Polaroïd », dont le procédé de développement immédiat me fascinait. Pendant plusieurs années, je n’ai presque plus utilisé mon « réflex », d’autant moins depuis que  mon labo de prédilection avais alors fermé.
C’est aussi dans cette période que j’ai pris l’habitude d’emporter mon Polaroïd partout ou presque avec moi. Ce n’était guère pratique car c’était un appareil relativement encombrant, mais c’est par ce biais que j’ai développé une tendance à prendre des clichés de mon environnement immédiat.
J’ai dû rapporter une fortune en pellicules à la firme à une époque où ses affaires périclitaient par ailleurs. Imaginez : chaque film de 20 poses coûtait dans les 25 FS !
Et pour ce prix, on n’obtenait que des clichés uniques de petite taille, dont la durée de vie était limitée : 5 ans après, ils se sont presque tous évaporés.
Seuls subsistent ceux que j’ai conservés à l’abri de la lumière.

Je suis entré dans l’ère digitale contre mon gré, et le plus tard possible. J’étais à l’époque convaincu qu’il était impossible de faire des photos artistiquement viables avec ce type de support.
Je ne l’utilisais donc que pour des usages professionnels ou pratiques, et seulement petit-à-petit dans une démarche plus esthétique.
A présent, je n’envisage pas de revenir à l’argentique.

Le digital est devenu mon ami.
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Photos prises le jour où j'ai reçu mon premier appareil reflex, en 73 ou 74.
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dimanche 20 juin 2010

Cinémélomanie.

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« Tu pourrais me trouver une musique de Lalo Schifrin ? »

Une telle question, venant de Louis, l’aîné de mes neveux, m’a pris au dépourvu. Jamais auparavant je ne l’avais vu faire preuve d’un intérêt spontané pour de la musique de films.
Je lui en ai souvent fait écouter, et j’en ai même souvent fait la promotion d’une manière appuyée, je l’avoue, mais c’est bien la première fois qu’il m’en réclamait, et sans aucune provocation préalable de ma part.
Et pour Lalo Schifrin, en plus, compositeur pour lequel j’ai une passion récente toute particulière.

Mon neveu cherchait-il un titre particulier ? Mieux que ça : apparemment, un morceau l’avait particulièrement marqué. Il avait noté le titre quelque part mais était incapable de me le fournir à l’instant. J’en conclus que ça ne pouvait être que le Main Title de « Medical Center », une série TV de 1969 que je lui avais fait écouter quelques semaines auparavant mais n’en dis rien et décidai de lui préparer une petite sélection de mon cru en format MP3 sur une clef USB.
Celle-ci se composa au final de sept CDs comportant les titres les plus connus de Schifrin, tous des années 60 et 70 (« Dirty Harry », « Bullitt », « Mission : Impossible », etc…) et deux trois choses plus obscures de lui mais néanmoins remarquables; j’y rajoutai quelques titres d’autres compositeurs de sensibilité voisine.

Je dois avouer que lorsque j’ai présenté toutes ces musiques à Louis, j’étais nettement plus excité que prévu. Je pensais lui laisser la clef et m’en aller, mais je n’ai pas pu m’empêcher de vanter les mérites de chacun des CDs à l’origine de la sélection.
Mais lorsque je lui ai soumis « Medical Center », il s’est montré… intéressé, mais ce n’était pas le morceau qu’il attendait. « Dirty Harry », peut-être ? Non. « Bullitt » alors? Pas du tout.
Mais alors quoi ?

Il est allé chercher son téléphone portable sur lequel il avait noté un titre : « Prelude to War ».
J’ai tout de suite reconnu le titre du morceau, que je lui avais fait écouter, il y a fort longtemps.
« Prelude to War » apparait dans « Battlestar Galactica » Saison 2. Musique composée par Bear McCreary en 2005.
“Ah oui, c’est ça: Bear McCreary!” s’est exclamé Louis. « Ce n’est pas de Schifrin ? »

Non, ce n’est pas de Schifrin, mais… c’est bien aussi.

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jeudi 3 juin 2010

Repas Familial.

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Il y a quelques jours, j’ai été dîner chez ma sœur Monique avec ses trois fils: Henri, 12, Charles, 14 ans, et Louis, 16 ans. Son mari est actuellement en voyage d’affaires.
En fin de soirée, elle m’a confié que sa condition de mère lui pesait, et qu’elle commençait notamment à trouver difficile de préparer quotidiennement des repas pour toute la famille.

« Et pourquoi tu ne proposes pas aux garçons de faire le dîner à tour de rôle, une fois par semaine ? »

Elle a soupiré :

« Ils ne voudront jamais.

- Tu en es sûre ? On va vérifier.

Et sans plus attendre, je suis allé retrouver Charles, qui s’entrainait à la guitare dans sa chambre :

« Ca te dirait de préparer à dîner pour toute la famille une fois par semaine ? »

Quelques peu intrigué, il a haussé les épaules :

« Faut voir. Ca serait payé ? »

J’avais anticipé cette question. Il y a deux choses que je sais de Charles : il aime faire la cuisine, et… gagner de l’argent.

« Combien tu demanderais pour préparer à dîner ?

- Juste préparer le repas ?

- Non, faire les courses, mettre les couverts, préparer le dîner, le servir, et ensuite débarrasser la table et faire la vaisselle. »

Il a réfléchi quelques instants, puis il a déclaré :

« Trente Francs. » Il s’est ensuite ravisé, soudain conscient de l’ampleur de la tâche : « Non, Trente cinq.

- Pour trente cinq francs, tu le ferais ? »

Il a acquiescé :

« Maman serait d’accord ?

- On va voir. Je te redis dans cinq minutes. »

Puis je suis allé voir Louis et Henri et je leur ai fait la même proposition, ce à quoi le premier a proposé :

« Trente francs. »

Et le second :

« Moi je le ferai pour vingt-cinq. »

Du coup, le premier s’est ravisé :

« Ok, je le ferai aussi pour vint-cinq. »

Puis il a brièvement réfléchi :

« Non, trente francs. Tu crois que c’est bien, trente francs ?

- Je ne sais pas. On va voir. »

En fait, j’exultais de mon stratagème.

Je suis ensuite retourné voir ma sœur :

« Combien tu serais prêt à payer tes fils pour qu’ils fassent à manger une fois par semaine ?

- Juste à manger ?

- Non, ils feraient les courses, mettraient la table, prépareraient le repas, le serviraient, puis rangeraient et feraient la vaisselle. »

Elle a réfléchi, puis :

« Ca fait pas mal de boulot tout ça. Cinquante francs ? Non, attends, cinquante francs c’est trop…. (une pause, puis : ) trente-six francs ! »

Elle s’est bien arrêtée sur ce nombre, pas un franc de plus ou de moins! L’esprit maternel a des méandres…

Je lui ai ensuite révélé quelles sommes ses fils avaient réclamées et je suis retourné les voir pour leur dire que leurs propositions avaient été acceptées.
Il a ensuite fallu déterminer qui ferait à manger quel soir, puis l’affaire était réglée.

Je suis ensuite rentré chez moi, assez content d’avoir pu apporter une petite pierre à l’organisation de ma proche famille.
Plus tard, cette joie s’est quelque peu dissipée lorsque j’ai pris conscience qu’il y avait très peu de chances que ce projet voie réellement le jour.
Le lendemain, ma sœur aurait probablement tout oublié, et la réalité aurait repris son cours.
Le surlendemain pourtant, j’y ai repensé lorsque j’ai retrouvé Monique pour déjeuner :

« Alors, tes enfants vont te préparer à manger ou pas ? »

Et à ma grande surprise :

« Mais oui, tout-à-fait, demain soir, c’est Charles qui inaugure ! Et Louis et Henri parle déjà de ce qu’ils vont préparer par la suite ! »

Et moi, j’ai la satisfaction d’avoir pu changer le cours du Monde.
Enfin, d’un petit Monde, mais c’est un début, non ?


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