dimanche 20 mars 2011

De la difficulté à reconnaître ses amis (2).

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Je suis radin.

Suite à cette accusation, je suis resté sans voix.

J'ai été  incapable de la moindre activité pendant une bonne heure. J’ai même envisagé de rappeler Cédric illico pour lui dire :
 «  Fais demi-tour et rends-moi les clefs de la maison. »
Mais je me suis retenu, préférant me laisser une journée de réflexion.

Le lendemain, je lui ai proposé de se racheter par téléphone. Je lui ai demandé de retirer sans attendre son accusation de radinerie. Sa réponse:

«  Bien sûr que tu n’es pas radin. Quand je t’ai dis: « Tu es radin », je…

- Tu viens de le redire.

- Quoi ?

- Tu viens de dire. « Tu es radin. »."

Je n’allais pas lui offrir la moindre marge de manœuvre sur ce point.

" Quoi ? Mais non, je n’ai pas dis que tu es radin. Je te disais que quand j’ai dit « Tu es radin »…

- Je veux t’entendre dire que je ne le suis pas, et tu ne fais que répéter que je le suis!

- Non, mais tu comprends quand même que quand tu me rends la voiture avec un réservoir vide…

- Et le fait que tu m’aies prêté deux fois ta voiture avec un réservoir vide, ça te parait normal ?

- Mais puisque je te dis que je ne l’utilise jamais ! 

- Et tu n’arrives pas à comprendre que j’aie pu imaginer que tu avais fait exprès ? Que tu attends de moi que j’assure le plein de ta voiture au-delà de son utilisation ?"

Lui:
" Alors là, tu exagères ! Si c’est comme ça, on ne descendra plus ensemble en Provence et puis c’est tout !"

C’est moi, ou il a vraiment atteint le fonds à ce moment-là ? 
De son point de vue... je ne suis plus le bienvenue dans ma propre maison!

" Cédric, j'ai établi  une règle simple : je te prête la maison en échange de ta voiture.
A aucun moment il n'a été question que je te paye un supplément d’essence. Mais bon, on ne pas en discuter plus longtemps : si tu n’es pas content de cet arrangement, tu remballes tes affaires et tu rentres à Genève, ok ?"

Lui:

"Ce n’est pas la peine de t’énerver : on en reparlera face à face à Genève."

Bilan de cet échange : il ne s’est jamais formellement excusé, et surtout, il n’a pas dévié de sa position.

Pour moi, la faute la plus grave reste que, depuis plusieurs mois, chaque fois que j’ai envisagé de descendre en Provence, c’est avec la peur de son prochain éclat de voix, et qu’il ne donne jusqu’ici aucun signe de vouloir changer d’attitude.

J’ai à présent décidé de la suite des évènements : si à son retour il ne s’excuse pas de manière très claire, je lui réclame les clefs avec effet immédiat et retire mon invitation à séjourner dans ma maison de manière permanente.
Si par contre il fait un mea culpa sans équivoque et sincère,  je lui soumets des règles non négociables pour la suite. 

Il doit me garantir :

° qu’il ne me réclamera plus de dédommagement pour l’essence, qu’il n’en fera même plus mention, même si je pars avec un réservoir plein et je rentre avec un réservoir vide ;

° qu’il s’engage à se comporter de manière égale et civile pendant nos séjours en commun ;

° qu’il ne me reproche plus jamais mes habitudes alimentaires ou mes fatigues de fin de journée ou mes envies de faire ou non des activités avec lui.

Si un seul de ces points lui pose un problème ou n’est pas respecté, alors je mets définitivement fin à ce qui était de fait une invitation permanente et quasi inconditionnelle à profiter de ma résidence secondaire.
Peut-être n'en est-il pas capable, mais qu’y puis-je ?

Et on en revient tout naturellement au sujet premier de cette série : ma difficulté à avoir des amis et à les conserver.

Si les choses se déroulent maintenant comme je le prévois,  je perdrai un ami de plus.
Ou peut-être juste l’illusion d’un ami.


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De la difficulté à reconnaître ses amis (1).

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En 2005, j’ai acheté une petite maison en Provence, le premier achat de ce type que je faisais de ma vie.
J’ai rapidement ressenti la frustration de ne pas pouvoir faire profiter celle-ci à plus de monde que ma famille immédiate, ma mère et ma sœur aînée, et… à des amis.
J’étais donc prêt à la prêter, mais… à qui ?

Une occasion s’est présentée lorsque j’en ai parlé à une connaissance du magasin, Cédric, que je connaissais depuis les années 80s et qui avait travaillé quelques temps pour moi.
La proposition se présenta en ses termes : serait-il d’accord de me prêter sa voiture de temps en temps contre une mise à disposition de ma maison pour lui et ses proches?

Il fut d’autant plus ravi de cette demande qu’il n’utilisait pas régulièrement sa voiture et que de fait, il put dès lors profiter de ma modeste demeure plusieurs fois par année.
Il s’y rendit parfois seul, parfois avec sa compagne et son fils, et y invita même une fois des amis.
Je me joignis à certaines de ces virées, 4 ou 5 fois en tout, et seulement lorsqu’il ne jugeait pas ma présence inopportune, et de fait une seule fois en présence de son fils.
J’eus l’occasion de me rapprocher de quelqu’un que j’appréciais par ailleurs, mais pas de façon vraiment spectaculaire : nous ne nous voyions réellement que pendant ces brefs séjours.

Le problème est que pendant presque chacun d’entre eux, il me gratifia d’au moins un coup de gueule majeur.
Il me reprocha par exemple dès le début de ne pas assez participer à la préparation des repas. Il y avait de ma part une raison simple à ce développement, c’est qu’il avait tendance à prendre l’initiative de les organiser. De plus, j’avais pris l’habitude de limiter mes repas du soir, ce qui pour lui, était inacceptable.
De mon côté, je constatais assez rapidement qu’il laissait presque systématiquement sa vaisselle sale après tous les repas, petit déjeuner compris. Je décidais de ne pas m’en offusquer et m’efforçai dès lors de me charger au mieux de cette corvée au quotidien.
Je fus du coup raisonnablement surpris par son grief insistant concernant la préparation des repas, tâche que j’appréciais bien plus que la vaisselle !
Il se fâcha aussi à répétition lorsque, vers 22 h ou plus, je le laissai finir seul le visionnage d’un film le plus souvent choisi par lui.

La dernière dispute en date dans la maison fut tellement violente que non seulement je ne lui adressai plus la parole jusqu’au jour suivant (je comptais sur son covoiturage pour rentrer à Genève) mais… je fus par la suite totalement incapable de me souvenir de l’origine de cet éclat intempestif.
Je me souviens juste de l’intense sentiment d’injustice que j'ai ressenti pendant cette tempête vocale : Cédric était mon invité, j’étais chez moi, c’était moi qui fixait les règles du séjour et pas lui !
Je comptais mettre les choses au point avec lui à Genève, mais comme le « black out » mental persistait, je me retins et décidais d’attendre la prochaine occasion… qui ne manquerait pas de se présenter.
Je précise que mon hésitation à l’époque venait aussi de ce que je ne souhaitais pas risquer une rupture définitive avec lui, et espérais pouvoir calmer les choses.

En décembre dernier, je sollicitai une fois de plus sa voiture pour une virée provençale.
Au moment du départ, j’eus la mauvaise surprise de découvrir que le réservoir d’essence était complètement vide!
Je songeai à l’appeler sur le champ pour lui passer une bordée, mais me ravisai.
Je remis tout de même 5 litres pour ne pas le laisser dans un embarras équivalent, mais… pas plus.
De façon assez prévisible, il me reprocha par la suite de ne pas avoir fait le plein et j’optai à ce moment de ne pas chercher à trop justifier ma position.

Au début de ce mois, je l’appelai à nouveau pour emprunter sa voiture et il me répondit :

« Pas de problème, mais tu penseras à mettre de l’essence ? »

Je savais déjà ce que cela sous-entendait et, sans aucune surprise, le réservoir était de nouveau quasi vide. Au retour, je décidai que je remettrai de nouveau  juste un peu plus d’essence que ce qu’il m’avait laissé.

Sa réaction ne se fit pas attendre, lorsqu’il la reprit quelques jours plus tard, en route à son tour pour la Provence :

« Espèce de salaud, le réservoir est complètement vide (ce qui était faux, mais de peu, je l’avoue). Tu aurais pu me faire le plein !!!

- Ecoutes, Cédric, si tu me prêtes une voiture « vide », ne comptes pas sur moi pour te faire le plein.

-  D’abord, je ne l’ai pas fait exprès et quand on se fait prêter une voiture, la moindre des choses est de la rendre avec un plein !

- Oui, sauf que je te prête, moi,  la maison et je ne te demande pas de participation pour le chauffage. De plus, lorsqu’en août dernier, j’ai reçu une facture de téléphone de 80 Euros alors que je n’étais même pas dans la maison, je ne t’ai  rien réclamé.

- Mais ça n’a rien à voir !!! Et le ménage que j’ai fait, et le jardinage que tu n’as même pas eu la présence de remarquer !! Ça, bien sûr, ça ne compte pas. Je suis désolé de te le dire, mais tu es radin!

Et là-dessus, il me raccroche au nez, remonte dans sa voiture et passe les quatre jours suivant… chez moi.
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 Mars 2011. Quelque part sur l'Autoroute de Sud. France.

vendredi 18 mars 2011

Je n'ai pas d'amis.

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Enfant et adolescent, j’avais un cercle d’amis en permanence. 

J’ai ensuite conservé un groupe d’amis plus ou moins proches pendant des années.
La nouveauté, c’est que certains de ses amis ont disparu avec le temps, et je n’ai pas toujours renouvelé mon cercle. Et presque chaque fois que je me suis mis en couple, mon attention s’est  alors presque exclusivement focalisée sur la personne aimée à ce moment-là, au détriment de mes amis, dont je me suis alors éloigné.

Autre  cas de figure récurrent, et catastrophique pour mes relations proches : j’ai beaucoup fait appel  aux amis dans mon travail, avec la conséquence répétées que ces relations prenaient fin de manière brutale. Un exemple significatif se trouve dans un précédent texte, mais il y en a de nombreux autres.

Bilan vers 45 ans: je ne fréquentais quasiment plus personne à un niveau strictement amical
Et en l’état actuel, il n'y a que deux exceptions notables :

Ania, une ex avec qui j’ai eu un lien très proche pendant plus d’une décennie, avant et après notre relation intime. Nous nous voyons et nous parlons encore assez régulièrement au téléphone. Mais, depuis sont mariage en 89 (et son divorce 2 ans après) et son éloignement géographique graduel (elle a déménagé 2 fois, et les 2 fois plus loin de chez moi), nos contacts se sont réduits à une demi-douzaine par année, voire moins.

Et Bridget, une amie et ex aussi, que je vois encore plusieurs fois par mois.
Sinon, il y a bien 2 clients avec qui je vais boire des pots, mais nos rapports restent pour l’instant assez superficiels.
Ce qui me manque terriblement ces dernières années, c’est quelqu’un que je peux appeler à (presque) toute heure du jour et de la nuit, avec qui je peux partager mes passions, aller au cinéma, partir en vacances, etc…

En 2004, j'ai découvert qu'internet favorisait les rencontre: pendant presque une année, j'ai entretenu à travers des sites de rencontres et des "chats"  plusieurs relations amicales (et plus avec ententes) avec des personnes avec lesquels je n'avais eu aucun contact auparavant.
La rupture a cependant été aussi rapide que la prise de contact.

Plus tard, je me suis adonné aux forums puis à Facebook: ces deux modèles permettent certes d'établir des relations amicales,  mais celles-ci demeurent occasionnelles et limitées.

Lorsque, en titre de mon texte précédent texte, j'ai mentionné la migraine comme mon amie, c'est que celle-ci a fortement contribué à parasiter mes relations sociales.
Déjà dans les années 90, j’étais systématiquement le premier à quitter une réunion sociale. On m’avait même surnommé « l’homme de 21 heures », car je quittais souvent les dîners et les soirées vers cette heure-là.

Aussi dans ces années-là, je participais encore régulièrement à des soirées de poker, mais j’ai depuis laissé tomber, pour cause d’épuisement et aussi parce que je perdais trop régulièrement!

Encore récemment, un des clients mentionnés plus haut avec qui j’ai passé un bout d’après midi s’est quelque peu étonné que je décline son offre à poursuivre notre discussion devant un dîner. Je n’arrivais tout simplement plus à supporter l’accumulation du brouhaha ambiant, de la conversation soutenue, les assauts sonores d’une machine à café, la radio, etc…

Dans mon demi-siècle d’existence, j’ai appris que s’il est essentiel pour l’équilibre personnel de ce faire des amis, il est tout aussi important de savoir les garder et les entretenir.
Et maintenant que je sais cela, je peux ranger cette leçon dans sa petite boîte et la caser sur une étagère de mon esprit, dans l’espoir que la prochaine fois où j’en aurai besoin,  je saurai quoi en faire. 

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samedi 12 mars 2011

La Migraine est mon Amie.

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J’ai fait connaissance avec les maux de tête vers l’âge de 40 ans.

Ça s’est d’abord traduit par des grosses fatigues puis des vertiges suites à des coups de stress importants, par exemple après des disputes avec des employés ou lorsque j'appréhendais un voleur dans ma librairie. Ce dernier type d’incidents survenait par vagues de quatre ou cinq sur quelques semaines, de manière irrégulière.
Pour me remettre, je partais ensuite me détendre une heure ou deux dans un bistrot calme (si possible) devant une tasse de thé et une plaque de chocolat.
Puis sont arrivés les maux de tête proprement dit.
D’abord une ou deux fois par mois, puis presque toutes les semaines et enfin plusieurs fois par semaine.

En 2005, j’ai subi des tests puis je me suis fait opérer. Oui, directement sur le cerveau.

Mon chirurgien, le Dr Monchian, a succinctement résumé les choses : 

« Le dommage subi par votre cerveau à ce jour ne sera pas réparé. On peut tout juste stopper l’évolution. Vous aurez encore probablement des trous de mémoires ou du mal à vous concentrer, à faire des calculs compliqués. Par contre, vous n’aurez plus de maux de tête. Ça, je peux vous le garantir. »
 
Plus de maux de têtes donc. 

Sauf que l’opération m’a laissé dans un état d’épuisement quasi-total et une semaine après, j’avais du mal à assurer des fonctions basiques plus de deux heures d’affilée : aller au travail, suivre des conversations, me consacrer à mon travail.

« C’est tout-à-fait normal, a rebondi le neurologue qui me suivait alors, le Dr Gunaz. Il faut laisser à votre corps le temps de se remettre.

- Et ça prend combien de temps ?

- Probablement trois mois.

Trois mois plus tard, je ne constatais qu’une amélioration symbolique : des états d’épuisement moins aigus, mais quotidiens, et accompagnés… de maux de tête très importants et durables ! Nous y voilà.
Gunaz proposa de faire des tests d’intolérance au sucre puis des séances d’acuponcture et  des massages relaxants : sans résultats.

Je vous passe le jour où il m’a proposé de prendre des vitamines.
Il suggéra surtout de faire preuve de patience.

« Oui, mais, Monchian disait : Plus de maux de tête ! »

« Patience. »

- Combien de temps ?

« Disons un an. »

Un an donc.

Peu après l’échéance de ce délai, j’ai changé de crèmerie. Gunaz n’avait réellement fait aucune suggestion constructive pour remédier à mes troubles postopératoires.
Entretemps, j’avais reçu de plusieurs sources l’assurance que l’opération n’était pas en cause : c’était un succès avéré, visible à défaut d’être mesurable.

Le Dr Estrade fut le premier à apporter un diagnostique simple, mais déterminant :
« Vos céphalées (i.e. : maux de têtes) sont sans rapport avec votre hydrocéphalie ou avec l’opération. Ce sont des céphalées de tension.
- Ah, et comment ça se soigne ?
- C’est très simple : vous devez apprendre à vous détendre. »

Il me proposa un certain médicament, mais comme ma psychiatre du moment, le Dr Mornas, m’en prescrivait déjà plusieurs, cette dernière s’y opposa, et suggéra plutôt que j’apprenne une technique de relaxation.
J’ai donc appris à me détendre, à raison d’une à deux séances par jour.
Le seul bienfait notable que cela m’apporta fut des meilleures nuits, un sommeil plus profond et régulier.

Par contre, toujours des maux de têtes dès le matin, et ensuite plusieurs fois dans la journée.
De manière générale, ça démarre soit directement au réveil, soit pendant le petit déjeuner, pendant que je regarde la télé ou lis le journal et au plus tard quand je me mets au travail vers 9-10h.
Il se peut ensuite que j’aie un répit –mais pas toujours- jusqu’à l’heure du déjeuner, ou juste après.
Vers 4h de l’après midi, ça devient insupportable, et je pars me promener ou me boire un thé devant… un gâteau au chocolat !
A mon retour au travail vers 18 heures, je suis toujours passablement épuisé.

Je rentre ensuite à la maison, et me regarde peut-être un film, mais pas trop compliqué ou stressant ; je n’arrive plus à apprécier des films d’horreur, ni des films avec sous-titres.

Souvent, j’abandonne à mi-parcours, vers 21h, et je me couche.
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samedi 5 mars 2011

Pauvre Patron (3).

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Depuis des années, j’ai établi un principe de gestion commerciale ultra simple.
Prenons une série de BD qui démarre et que je commande à 3 exemplaires. Ceux-ci se vendent. J’en recommande plusieurs fois, jusqu’à l’annonce du 2ème volume. Si j’ai vendu 5 exemplaires du 1er, j’en commande 5 du 2ème. Si à l’annonce du 3ème, j’ai vendu 8 exemplaires du 2ème, je commande 8 exemplaires du 3ème, etc…
Ce système à l'avantage de permettre d'augmenter les ventes du magasin quasiment sans risque pour celui-ci et en suivant une logique très facile à gérer.

A l’époque où Claire a débuté dans ma librairie, au milieu des années 80, ce système en était à ses débuts.
Deux ou trois ans après, elle avait la responsabilité de la section manga, et la série « Lone Wolf and Cub » débutait. Elle avait commandé 3 exemplaires du premier volume : un pour elle, un pour un ami et un pour le rayon, qui fut vendu dans la journée. Déjà, ce principe me déplaisait, mais bon.
Deux mois plus tard, elle commanda 3 exemplaires du 2ème volume et là, je lui demandai pourquoi elle n’en prenait pas plus.

« Je préfère rester prudente. »

Oui, mais dans la mesure où le potentiel commercial de la série était avéré (avec 5 ou 6 exemplaires du premier volume déjà vendus), autant augmenter à 6 ?
Elle refusa tout net.
J’insistai, jusqu’à invoquer une simple expérience commerciale, pour démontrer mon point de vue.
Rien à faire. A court d’arguments, je finis par lui donner l’ordre d’augmenter ses quantités, sans autre discussion. Sa réponse fut cinglante :

« Si c’est comme ça, je démissionne. »
Ah.

Après son départ, j’appliquai librement mon principe, et Lone Wolf and Cub se vendit bientôt à plus de 20 exemplaires par numéro.

Les années passant, j’ai peaufiné ce principe, l’appliquant aux vidéos, aux CDs et bien sûr aux autres BDs.

Dans les années 90, je fus à nouveau à la recherche d’un nouvel employé et, contre toutes attentes, Claire postulat.
De prime abord, la proposition me parut quelque peu saugrenue, mais à la réflexion, je me dis qu’elle avait du potentiel car, je savais au moins quel genre de personne j’engageais, avec ses qualités et –certes- ses défauts. En presque dix ans, elle avait dû acquérir d'avantage d'expérience et de sagesse et moi de même.
Je la réengageai donc.

Je lui confiai bientôt le rayon BD, en lui fixant la condition du strict respect de mon système de gestion, à présent représenté par un fichier Excel parfaitement organisé.
Les premiers temps, ça fonctionna très bien, mais après une année ou deux, mon attention fut attirée par des chiffres stagnants. Chez un des plus gros éditeurs, les commandes mensuels ressemblaient même à ceci : « 2 – 0 – 2 – 2 – 1 – 2 – 0 – 0 – 0 - 2, etc… »
Au début, Claire réussit à endormir ma méfiance, mais j'ai fini par vérifier toutes les quantités et tous les inventaires. Beaucoup de chiffres semblaient justes, mais certains comportaient des erreurs grossières : une série qui ne se vendait pas du tout était par exemple régulièrement commandée à un exemplaire, et pour une autre… tout était faux ! L’inventaire indiquait une vente de trois exemplaires, la réalité était de cinq et… elle en commandait deux !
Lorsque je lui fis la remarque, elle me sortit un gros mensonge !
Cet incident n’était en fait que le dernier de toute une série qui démontrait que rien n’avait changé. Au contraire : le caractère mensonger et dissimulateur de Claire s’était même accentué avec le temps !

Deux autres exemples :
Un weekend, je croisai un très bon client dans un train, qui se déclarait très mécontent du service de ma librairie. Il m’avait même écrit un mail détaillé à ce sujet, et je n’avais jamais répondu !
Pour une bonne raison : je n’avais jamais eu connaissance de ce mail.
Lorsque je confrontai Claire, elle nia d’abord  tout en bloc, avant d’avouer qu’elle avait supprimé ce mail « pour faire de la place » ! Je dois dire qu’à ce stade, ma décision sur son avenir était au moins à moitié prise.

L'autre incident déterminant se déroula une semaine avant : depuis des mois, je préparais à son intention des notes sur les commandes à venir. Au début, nous en discutions ensemble, mais ces derniers temps, elle semblait dire que ce n’était plus nécessaire.
Or, mon attention fut attirée ce jour-là par mes notes retrouvée dans la poubelle : je les récupérai et les comparai avec ses commandes, point par point. Sur une vingtaine d’articles, il y avait 17 ou 18 différences flagrantes !
Confrontée à ces incohérences, sa réaction fut similaire aux autres incidents : tout nier, puis admettre le moins possible (elle avait dû se tromper une ou deux fois !). Et finalement admettre la faute face à  mon insistance.

Devant tant de manquements (il y en avait d’autres, trop nombreux à lister ici), je finis par lui soumettre un ultimatum : plus de mensonges, plus de dissimulations, sinon la porte.
Trois semaines plus tard, je la vis pour la dernière fois.

Ce qui m’a particulièrement traumatisé dans cette histoire, c’est que j’avais travaillé avec elle plusieurs années, je la côtoyais presque tous les jours, nous avions des conversations amicales, nous nous échangions des souvenirs de vacances, des vidéos, des livres, etc…
Et tout d’un coup, je découvrais un 2ème niveau a notre relation, où elle me mentait presque quotidiennement et dissimulait la moindre de ses fautes, dont certaines m’ont coûté très cher.

Je pense par exemple à la fois où j'ai cru que le magasin perdait des milliers de francs par mois et j'ai sérieusement envisagé de le fermer. Un autre employé a fini par comprendre que notre société d'encaissement par cartes ne nous versait plus rien depuis des mois!
La faute de Claire ici, responsable de vérifier la compta, était à la limite excusable, mais elle aurait dû en théorie repérer ce défaut de versement à un moment où à un autre.

J’ai mis des mois à me remettre de cette rupture.
Non, c’est faux. Je ne m’en suis pas remis.
J’y pense encore très souvent.

Ai-je fait preuve de trop de laxisme ? Dois-je surveiller de plus près mes employés, et ce tous les jours, de manière constante ? C’est possible, mais je n’ai pas appris à le faire.

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vendredi 4 mars 2011

Pauvre Patron (2).

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Je m’aperçois à la relecture que les « échecs » relationnels relatés en première partie sont tous liés à des employés en tout début de contrat, à l’essai donc, et que je ne connaissais pas avant de les engager.

Ce n’est pas le cas de Christian, avec qui j'avais entretenu une relation amicale pendant plus de vingt ans avant de faire appel à lui dans une période difficile du magasin, juste après le départ de deux anciens employés et à un moment où mon chiffre d’affaire baissait de manière régulière.

Je fis donc appel à lui sachant qu’il avait auparavant géré son propre magasin, qu’il connaissait bien plusieurs domaines du mien et qu’il serait capable de développer des nouveaux rayons ayant trait à ses passions personnelles. Il était de plus extrêmement sociable et très probablement bon vendeur.
J’espérais en bref qu’il serait capable de reprendre en main mon commerce et à terme d’en devenir le gérant. Je comptais aussi sûr lui pour superviser les autres employés, 2 à ce moment-là.

Le premier accroc est survenu  lorsque ma fiduciaire nous convoqua pour nous expliquer une nouvelle manière de tenir la comptabilité.
Pendant toute la séance, Christian prit une grande quantité de notes et m’assura que tout était clair pour lui.
Revenu au magasin, il n’appliqua cependant pas tout de suite les nouvelles directives. Je m’en inquiétai auprès de lui et il me répondit qu’il s’en occuperait en temps voulu.
Les semaines passèrent et… toujours rien.
Je le sommai finalement de réorganiser les comptes avec effet immédiat et l’expression de consternation sur son visage ne laissa aucun doute : il n’avait pris aucune note ou les avait perdues depuis. Personnellement, je penche pour la première proposition, aussi absurde puisse-t-elle paraitre.
Je  le surpris plus tard en conversation téléphonique avec la fiduciaire, en train de lui soutirer laborieusement les instructions qu'il avait déjà reçues deux semaines plus tôt.

Le 2ème point de contention rapprocha clairement Christian de la sortie : après plus d’un mois de travail dans ma librairie, Il n’avait pas fait le moindre apport créatif dans le magasin, ni dans l’arrangement ou la gestion de la marchandise, ni dans la moindre commande d’articles nouveaux. Le Néant absolu.
Et de fait, je sentais que sa présence dans mon entreprise commerciale avait au mieux une influence … nulle sur celui-ci.
Face à mon inquiétude, il m’expliqua qu’il devait d’abord apprendre à maîtriser les bases de fonctionnement du magasin ! Je n’y crus pas une seconde et sus dès ce moment-là qu’il me menait en bateau.

L’incident suivant me plongea dans une rage folle.
Un jour que je faisais du shopping en ville, je me souvins d’une instruction incomplète donnée la veille au soir à un autre employé. Je téléphonai donc et Christian répondit. Je lui demandai donc de transmettre mes nouvelles instructions à l’autre employé (qui était à ses côtés à ce moment) , instructions qui tenaient en quelques mots, et avaient trait au classement des mangas.
Je constatai une heure plus tard en arrivant au magasin que rien n’avait été fait : le deuxième employé avait continué le classement sur une base complètement fausse !
Je commençai donc à passer une bordée énergique à ce dernier et il expliqua que Christian ne lui avait transmis aucune instruction !
Confronté avec cette révélation, Christian tenta de me faire croire que je donnais trop d’instructions, trop confuses, et… qu’il avait simplement oublié!

Ma colère à son encontre pris une ampleur rarement égalée.
Je me sentais insulté, trahi, abandonné.
Dans les faits, je n’osais pas renvoyer Christian le jour même ni les jours suivants.
J’attendis, je lui donnai toutes les chances possibles de se racheter mais jour après jour, je n’eus que la confirmation de ce que je ressentais de tout mon être : ce Christian dans lequel j’avais placé tant d’espoir, à qui j’avais donné toute ma confiance, n’avait de toutes évidences pas d’autres intention que de parasiter mon royaume chéri. Ni plus ni moins.

Après des longues semaines de tergiversations, je n’ai même pas eu le cran de lui sortir ses quatre vérités.
Je lui ai expliqué qu’au vu les mauvais résultats persistants du magasin, je n’avais pas les finances pour le garder, ce qui était parfaitement exact, mais très  loin d’être l’entière vérité.
Son départ fut aussi cordial que possible mais, alors que dans les précédentes années nous nous voyions au moins une fois par semaine et avions même passé des vacances ensemble, je ne l’ai pour ainsi dire plus vu et plus parlé depuis.

Il a tout simplement cessé d’exister autrement que comme une silhouette que je croise une fois ou l’autre et avec laquelle j’échange quelques banalités. Sans conviction et sans chaleur.




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Pauvre Patron (1).

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Un des aspects de mon existence qui me tracasse le plus concerne mes rapports avec mon prochain, professionnels et personnels.

Au niveau professionnel, j’ai des exemples multiples d’échecs dans le cadre de ma librairie.

Il y a près de 20 ans, j’ai lu une règle simple dans un livre consacré au management :  « Lorsque vous donnez une instruction à des employés, la plus grande partie d’entre eux fera de son mieux pour s’acquitter de sa tâche, et une majorité le fera de manière satisfaisante. » Ouf, me voilà rassuré !
…. Sauf que dans les faits, c’est loin d’être le cas.

Quelques exemples?

J'arrive au magasin à la mi-journée et découvre un employé récemment engagé en train de boire une bière à la Caisse. Je lui explique alors de manière très ferme que j’interdis la consommation d’alcool au magasin. Il me rétorque qu’une bière, ce n’est pas vraiment de l’alcool. Ma réponse est immédiate et sans équivoque : « Pas d’alcool. »
Quelques jours plus tard, même scénario, sauf que la poubelle à ses côtés contient CINQ OU SIX bouteilles de bières vides !!! »
Il n’a pas fait  un jour de plus.

Une autre fois, je reviens de ma pause de midi, et croise un client devant le magasin qui me dit, outré : « Dis donc, la nouvelle, comme elle m’a parlé ! » Le client me raconte alors que lorsqu’il a demandé à la nouvelle à prendre des livres qu’il a réservés, elle lui a répondu, en reprenant sa formulation : « Puis-je avoir mes réservation S’IL VOUS PLAIT. »
 Après son départ, j’ai immédiatement convoqué la coupable dans mon bureau, qui s’est défendue en arguant que le client n’avait qu’à être poli.
J’ai essayé de lui faire comprendre que c’était avant tout à elle de faire preuve de courtoisie et que le client n’avait certainement pas été impoli exprès. Elle n’en a pas démordu : « Je suis polie quand on est polie avec moi. »
Au revoir, mademoiselle!

Un autre nouvel employé est arrivé un de ses premiers jours avec un bon quart d’heure de retard.  Je lui en ai fait la remarque, et il m'a regardé (sans répondre) comme si j’étais idiot.
Les jours suivants, il s’est mis à bouder de manière persistante, ne parlant à personne et refusant de sourire à quiconque, malgré une nouvelle remarque de ma part.
Merci pour la visite!

Il y a une dizaine d’années, je recevais tous les étés une riche clientèle de touristes du Golf Persique dans mon magasin. Ils m’achetaient pour des dizaines de milliers de francs de marchandises en quelques semaines. En contrepartie, je leur accordais une réduction de 10% sur tous leurs achats.
Un de mes employés  trouvait que ça n’était pas juste. « Ils sont pétés de thunes ! Ils n’ont qu’à payer ! » J’insistai dans un premier temps sur la pertinence de cette règle, et, à cours d’argument, tranchai sans équivoque que c’était ma volonté et qu’il devait l’appliquer.
Quelques jours plus tard, j’appris par un autre employé que le nouveau venait de refuser ce rabais à un client arabe en expliquant à ce client que c’était une nouvelle règle récemment édictée par moi-même!

Ça été la porte pour lui… et la fin de ma grosse clientèle arabe d’été : une perte  très conséquente pour mon magasin, simplement due au manque de discipline d'un de ses éléments.

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mercredi 2 mars 2011

Âge d'or, Âge de raison.

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J’ai eu l’occasion de revoir une émission diffusée en 2010 par Arte : « L’Âge d’Or de la Musique de Films. 1965-1975. » de Thierry Jousse et Nicolas Saada.  Lors de sa première diffusion, elle m’avait apporté une satisfaction instantanée, pour la reconnaissance d'une de mes passions chéries par un média reconnu et respecté.
Ce n’est d’ailleurs pas une première de la part d’Arte, qui a déjà diffusé de très bonnes émissions consacrées à la musique hollywoodienne, à Herrmann, à Morricone, Korngold et celle-ci ne détonne pas trop, avec ses entretiens avec les Géants que sont feu John Barry, Michel Legrand et Lalo Schifrin, mais aussi Quincy Jones et un compositeur nettement plus obscur, l’allemand Peter Thomas.

Ceci dit, dès le démarrage, première source d’irritation avec l’intitulé « Âge d’Or (…) 1965-1975 ». En matière de Musique de Films, l’Âge d’Or, c’est les années 40 à 50 ! En 1960, c’est « l’Âge d’Argent » (« Silver Age ») qui commence. Alors, bien sûr, cette dénomination est plus communément admise en anglais qu’en français, mais l’affront ne s’arrête pas là, car selon les commentateurs, qui a précédé leur « Âge d’Or » ? Max Steiner et Elmer Bernstein.
Double boulette, car la carrière de Bernstein démarre réellement en 1955 avec THE MAN WITH THE GOLDEN ARM, un des scores fondateurs du Silver Age et va surtout s’épanouir dans les années 60.Cette bévue est d'ailleurs partiellement rectifiée par la mention de ce titre essentiel.

Ensuite, réduire le véritable Golden Age au seul Steiner, c’est un peu court. Où sont passés Bernard Herrmann, Miklos Rozsa, Erich Korngold, Dimitri Tiomkin, Alfred Newmann, etc… ? On entend ensuite que la particularité du Golden Age décidé par les auteurs est sa forte proportion d’européens. Sauf que c’est aussi notoirement celle de la génération précédente, majoritairement faite d’émigrés européens, ou d’américains de fraiche date, et donc forcément influencée et formée par une culture musicale européenne.
La différence à partir de 1960 est qu’Hollywood a d'avantage  recours à des européens qui conservent leur spécificité européenne, qui travaillent parfois même (comme Morricone) sans jamais mettre les pieds à Hollywood.

Une source supplémentaire d’irritation importante, c’est lorsque l'émission aborde (allez savoir pourquoi) le sujet des musiques refusées et remplacées, phénomène qui n’est pas propre à cette période, mais qui c’est peut-être intensifié depuis. Michel Legrand raconte comment sa musique pour ROBIN AND MARIAN de Richard Lester a été refusée pour une autre, « vraiment abominable, horrible ». A cela, les auteurs du documentaire opposent une intervention de John Barry (qui se trouve être l’auteur du désastre dénoncé par Legrand) qui se justifie en expliquant que lorsqu’il reprend un film des mains d’un autre compositeur, il ne cherche pas à savoir ce qui s’est passé. Dont Acte.
Toujours est-il que même si l’anecdote de Legrand comporte sa dose de piment, au niveau humain, laisser paraître de tels propos est indigne des réalisateurs.

Pour information, on notera que Legrand (que j'aime beaucoup en tant qu'artiste) a été remplacé au moins deux fois par Barry, sur ROBIN… et sur THE APOINTMENT. Et au moins deux autres fois, complètement par John Williams (THE MAN WHO LOVED CAT DANCING) et partiellement par Charles Bernstein (THE HUNTER). Cela explique sans doute la violence de ses propos sur ce sujet.

Quant à John Barry, il a  été appelé plusieurs autres fois en remplacement d’un compositeur malheureux, déjà sur le premier  James Bond, DR NO (au détriment de Monty Norman), mais aussi sur the SCARLET LETTER, où il a remplacé un record de deux autres refusés, et pas des moindres, Elmer Bernstein et Ennio Morricone.
Presque tous les compositeurs de Musiques de Films ont depuis les années 60 vu leurs compositions refusées au moins une fois.

 Le documentaire d’Arte pêche surtout par omission, limitant principalement les compositeurs de leur Âge d’Or à ceux qui ont bien voulu, ou pu, être interviewés. Ainsi, Jerry Goldsmith, Alex North ou Leonard Rosenman (décédés avant 2010) ne sont jamais mentionnés. Ces deux derniers sont souvent crédités ailleurs pour l’apport du Jazz dans la musique de Film, et Rosenman pour l’introduction de la musique sérielle, deux étapes majeures pour briser les codes du véritable Golden Age. Morricone est lui par contre souvent mentionné –à raison – et son absence physique à l'émission est compensée par l’intervention d’une troupe qui joue ses musiques sur scènes. Pourquoi pas.

Et enfin, j’ai trouvé les « jeunes » intervenants de l’émission, le duo de Air, ainsi que David Holmes et Mike Patton, un tantinet prétentieux. Un des membres de Air se hasarde par exemple à supposer que Morricone a composé plus de 200 Musiques de Films pour des seules raisons alimentaires, alors qu'il est pour moi évident qu'il a souvent mis ses tripes dans ses compositions pour le cinéma.

De toutes façons, ce commentaire de Air m'apparait comme particulièrement méprisant envers un des artistes majeurs du 20ème siècle.

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mardi 1 mars 2011

Ma Vie d'Apocalypse Rêvée.

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Etant libraire de profession, j’ai été dans un premier temps un avide lecteur.
Lorsque j’étais adolescent, je dévorais au moins un livre par semaine, et pendant certaines périodes jusqu’à deux ou trois, et principalement des romans de science-fiction ou de fantastique.
A la fin de ma scolarité, mon rythme s’est sensiblement ralenti, jusqu’à stagner à 5 ou 6 romans par année pendant une décennie.

Puis, dans les années 90, je me suis rendu compte que 3 livres dans l’année, c’était devenu une moyenne honorable, et j’avais de plus en plus de mal à m’intéresser à la fiction dans son ensemble. J’ai essayé le polar, le roman réaliste, les grands classiques : rien ne retenait mon attention de lecteur. Rien, sauf les biographies en fait, sur des acteurs, des metteurs en scène, des compositeurs et des peintres parfois.

Au début 2010, alors que mon palmarès de lecture est tombé à un ou deux livres par an, parmi lesquels aucune œuvre de fiction depuis cinq ans, on m’a mis dans les mains un roman dont le titre et l’adaptation cinématographique, jamais vue jusque là, m’avaient fait fantasmer dans ma jeunesse : ON THE BEACH de Neville Shute.
Le récit raconte les derniers mois d’existence d’une communauté du sud de l’Australie, qui se prépare inexorablement à l’arrivée du nuage atomique provoqué par une guerre totale dans l’hémisphère nord.
La population vit d’abord dans l’insouciance du dénigrement puis, au fur et à mesure que les contacts se perdent avec les nations du Monde, la Réalité funeste s’installe : ils vont mourir, comme les autres.

Ce court roman m’a véritablement traumatisé, surtout par l’aspect défaitiste et passif des personnages: dans leur 5 à 6 mois de vie préservée, ils n'envisagent jamais d'aménager des abris, de faire des stocks de nourritures et de matériel pour survivre à l'"hiver nucléaire".
Une fois la lecture terminée,  j’ai continué à y penser tous les jours, à élaborer mon propre projet post-apocalyptique : un abri pourrait accueillir une population limitée; il faudrait prévoir une sélection très large d’animaux, du bétail et de la volaille, mais aussi tout un échantillonnage de vie sauvage. Il faudrait l’aménager avec une source d’eau sous-terraine autonome, prévoir des générateurs électriques, installer des capteurs solaires (inexistants à l'époque du roman, mais je n’hésitai pas à réactualiser le concept). Je songeais aussi à tous les produits de notre civilisation moderne qu’il faudrait stocker, comme le papier de toilette ! J’eus une vision de hangars remplis de rouleaux de papier hygiénique !

Deux mois après la fin de ma lecture, cette préoccupation d’Apocalypse, nourrie en plus par la vision de l’adaptation cinématographique visionnée dans cette période,  commença a être un peu lourde à porter. J’essayai de m’occuper l’esprit avec des lectures nouvelles, mais ne réussis pas à me fixer sur un titre précis.
Mon obsession se calma petit-à-petit jusqu’à ce que je découvre un récit de survivalisme d’un type différent : LIVING WITH THE ENEMY de Roy McLoughlin, ou la vie des habitants des Iles Anglo-Normandes sous l’occupation allemande en 39-45.
Plus tard, j’ai dévoré (et avec une rapidité inconnue pour moi depuis des décennies) FORTRESS MALTA : An Island Under Siege 1940-1943 de James Holland qui raconte l’épreuve de Malte pendant la 2ème Guerre Mondiale sur près de 500 pages, encore un sujet voisin.
Je mentionne en passant que cette lecture a provoqué un bref fantasme : je proposais mes services comme pilote de chasse novice mais…. incroyablement doué !

La découverte récente de THE WALKING DEAD une saga en BD qui compte aujourd’hui 13 volumes de 130 pages chacun, a ravivé le fantasme survivaliste de plus belle!
La Terre est envahie par les zombies et un groupe d’humains non infectés tentent de survivre tant bien que mal, et plutôt mal jusqu’ici. Je viens de terminer le 10ème volume.

Alors, bien sûr, je pourrais faire une pause et passer à autre chose, mais quoi ?
Plusieurs fois par semaine, je parcours les étals de bouquinistes sur le chemin de mon travail sans arriver à me laisser accrocher par un titre précis. Je me rends de temps à autres dans une librairie voisine de la mienne, mais n’y trouve jamais rien.
Il m’arrive de faire des recherches par thème ou par auteur sur Amazon, toujours sans résultat.

Il est pourtant urgent que je me débarrasse de mon fantasme nihiliste.
10 rouleaux de papier hygiénique par mois, 120 par années, sur 30 ans : 3600 rouleaux au moins !
Une trentaine de Jeans, une centaine de paires de chaussettes, autant de caleçons, une cinquantaine de tubes de dentifrice, des dizaines de savonnettes, des…


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