samedi 13 mars 2010

Voler 2.

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Voler en tandem, c’est facile, mais voler en solo, c’est plus beau… et plus difficile.

Pendant plusieurs semaines, j’ai donc appris avec un moniteur et en compagnie de trois autres élèves à porter un deltaplane en équilibre, puis à marcher avec, puis à courir avec sur des courtes distances.
Le moniteur nous à ensuite fait grimper d’une dizaine de mètres sur une colline à pente douce, et nous devions tenter de la dévaler, harnachés à notre aile, sans que celle-ci ne tangue jamais à droite ou à gauche.
Puis il nous a fait grimper un peu plus haut et sur une pente un peu plus raide, jusqu’à ce que finalement, il nous juge prêt pour notre premier vol en solo, et là nous avons grimpé jusqu'au sommet de la colline.
Encore aujourd’hui, je me demande comment j’ai physiquement tenu le coup à porter inlassablement l’aile sur cette pente herbeuse, pour ensuite la dévaler avec à chaque fois plus de force, dans l’espoir de décoller enfin.
Mais il y a eu cette première fois où j’ai quitté le plancher des vaches tout seul.

Ça n’a pas dû être bien glorieux, un vol de 10 ou 20 secondes à ras les touffes, mais du coup les tentatives suivantes ont été faites avec un entrain nouveau, et des succès graduellement plus impressionnants.
Les décollages ne me posaient finalement pas un gros problème : je n’ai jamais trébuché, ne me suis jamais écrasé sitôt décollé. J’avais surtout de la difficulté à anticiper où j’allais atterrir, et surtout, je finissais invariablement ma course sur le ventre plutôt que debout. Sans doute la tentation de faire durer le vol quelques secondes de plus.
Pendant mes brefs envols, le moniteur tentait de me donner des instructions par gestes et par mégaphone, mais je n’entendais rien. Et tout-à-fait franchement, je n’écoutais pas non plus.
Il avait beau me faire signe de virer, de viser telle zone d’atterrissage, j’étais trop heureux de planer et faire mes propres figures pour lui obéir.
Après chaque atterrissage, je me faisais proprement engueuler, mais même là je ne l’entendais pas ! Je pensais déjà au prochain envol.

Le problème, c’est qu’une fois j’ai un peu trop fait le zouave. En fin de parcours, j’ai perdu la maitrise de l’aile, et j’ai piqué vers le sol. Une grosse trouille, et un dédommagement important au moniteur pour le dégât sur l’aile.
Ca aurait pu être pire.

A la fin d’un des derniers cours, le prof m’a malgré tout proposé de redescendre dans la vallée en tandem avec lui, pendant que les autres prenaient le minibus.
La grosse différence avec le Salève, c’est que là, nous décollions sur une pente assez douce et… ça ne voulait pas décoller.
On courait, on courait, mais on ne s’envolait pas.
J’ai cru qu'on allait abandonner (et j’étais moi-même prêt à le faire) mais le moniteur a dit :

« Allez, on essaye une dernière fois. Courrez, bon sang. »

Et on a décollé, mais pas de beaucoup.
J’allais remettre le pied à terre, quand l'autre a chuchoté :

« Non, non, c’est bon, on y est. »

La pente ne défilait qu’à un ou deux mètres sous l’aile, et ne semblait pas vouloir s’éloigner. Bientôt nous volions à trois mètres, puis à quatre, mais pendant presque tous le trajet, nous avons continuer à suivre la pente. C’était magique.
Ce vol a aussi été le plus long que j’ai jamais effectué : un rêve d’une demi-heure.

Sinon, j’ai aussi effectué au moins un vol en solo à une hauteur d’au moins 30 mètres.
Je n’en revenais pas à quel point le moniteur paraissait petit, et ce coup-là, je ne l’entendais effectivement plus du tout.
A mon retour sur Terre, il m’a dit en blaguant :

« Alors, on a attrapé un courant ascendant ? »

« Hein ? »

« Un courant ascendant. Parfois certains pilotes se font happer dans l’un d’eux, et ils montent, ils montent jusqu’à manquer d’air et finissent par perdre connaissance. »

Il nous a alors annoncé que ce serait le dernier cours de la saison : nous étions en début décembre et il s’absentait jusqu’en avril.

Et sans autre avertissement, il m'a proposer de faire un premier vol solo au Salève.

Je suis devenu livide. Je n’étais pas prêt du tout.
Je n’avais toujours pas bien maîtrisé les atterrissages, j’aurais été incapable d’atterrir ailleurs que sur l’autoroute ou sur une maison et… peut-être aussi que je gardais la vision de ce courant ascendant auquel je ne saurais résister !
J'ai donc décliné l'offre.

La triste fin de cette histoire est que j’ai eu le temps de ruminer les différents atterrissages ratés et l’aile cassée, et en avril, je n’ai pas repris les cours.

Mais plus de vingt après… l'appel du ciel me démange toujours.
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Le Rhône en Drôme Provençale. Décembre 2007.

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