dimanche 20 mars 2011

De la difficulté à reconnaître ses amis (1).

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En 2005, j’ai acheté une petite maison en Provence, le premier achat de ce type que je faisais de ma vie.
J’ai rapidement ressenti la frustration de ne pas pouvoir faire profiter celle-ci à plus de monde que ma famille immédiate, ma mère et ma sœur aînée, et… à des amis.
J’étais donc prêt à la prêter, mais… à qui ?

Une occasion s’est présentée lorsque j’en ai parlé à une connaissance du magasin, Cédric, que je connaissais depuis les années 80s et qui avait travaillé quelques temps pour moi.
La proposition se présenta en ses termes : serait-il d’accord de me prêter sa voiture de temps en temps contre une mise à disposition de ma maison pour lui et ses proches?

Il fut d’autant plus ravi de cette demande qu’il n’utilisait pas régulièrement sa voiture et que de fait, il put dès lors profiter de ma modeste demeure plusieurs fois par année.
Il s’y rendit parfois seul, parfois avec sa compagne et son fils, et y invita même une fois des amis.
Je me joignis à certaines de ces virées, 4 ou 5 fois en tout, et seulement lorsqu’il ne jugeait pas ma présence inopportune, et de fait une seule fois en présence de son fils.
J’eus l’occasion de me rapprocher de quelqu’un que j’appréciais par ailleurs, mais pas de façon vraiment spectaculaire : nous ne nous voyions réellement que pendant ces brefs séjours.

Le problème est que pendant presque chacun d’entre eux, il me gratifia d’au moins un coup de gueule majeur.
Il me reprocha par exemple dès le début de ne pas assez participer à la préparation des repas. Il y avait de ma part une raison simple à ce développement, c’est qu’il avait tendance à prendre l’initiative de les organiser. De plus, j’avais pris l’habitude de limiter mes repas du soir, ce qui pour lui, était inacceptable.
De mon côté, je constatais assez rapidement qu’il laissait presque systématiquement sa vaisselle sale après tous les repas, petit déjeuner compris. Je décidais de ne pas m’en offusquer et m’efforçai dès lors de me charger au mieux de cette corvée au quotidien.
Je fus du coup raisonnablement surpris par son grief insistant concernant la préparation des repas, tâche que j’appréciais bien plus que la vaisselle !
Il se fâcha aussi à répétition lorsque, vers 22 h ou plus, je le laissai finir seul le visionnage d’un film le plus souvent choisi par lui.

La dernière dispute en date dans la maison fut tellement violente que non seulement je ne lui adressai plus la parole jusqu’au jour suivant (je comptais sur son covoiturage pour rentrer à Genève) mais… je fus par la suite totalement incapable de me souvenir de l’origine de cet éclat intempestif.
Je me souviens juste de l’intense sentiment d’injustice que j'ai ressenti pendant cette tempête vocale : Cédric était mon invité, j’étais chez moi, c’était moi qui fixait les règles du séjour et pas lui !
Je comptais mettre les choses au point avec lui à Genève, mais comme le « black out » mental persistait, je me retins et décidais d’attendre la prochaine occasion… qui ne manquerait pas de se présenter.
Je précise que mon hésitation à l’époque venait aussi de ce que je ne souhaitais pas risquer une rupture définitive avec lui, et espérais pouvoir calmer les choses.

En décembre dernier, je sollicitai une fois de plus sa voiture pour une virée provençale.
Au moment du départ, j’eus la mauvaise surprise de découvrir que le réservoir d’essence était complètement vide!
Je songeai à l’appeler sur le champ pour lui passer une bordée, mais me ravisai.
Je remis tout de même 5 litres pour ne pas le laisser dans un embarras équivalent, mais… pas plus.
De façon assez prévisible, il me reprocha par la suite de ne pas avoir fait le plein et j’optai à ce moment de ne pas chercher à trop justifier ma position.

Au début de ce mois, je l’appelai à nouveau pour emprunter sa voiture et il me répondit :

« Pas de problème, mais tu penseras à mettre de l’essence ? »

Je savais déjà ce que cela sous-entendait et, sans aucune surprise, le réservoir était de nouveau quasi vide. Au retour, je décidai que je remettrai de nouveau  juste un peu plus d’essence que ce qu’il m’avait laissé.

Sa réaction ne se fit pas attendre, lorsqu’il la reprit quelques jours plus tard, en route à son tour pour la Provence :

« Espèce de salaud, le réservoir est complètement vide (ce qui était faux, mais de peu, je l’avoue). Tu aurais pu me faire le plein !!!

- Ecoutes, Cédric, si tu me prêtes une voiture « vide », ne comptes pas sur moi pour te faire le plein.

-  D’abord, je ne l’ai pas fait exprès et quand on se fait prêter une voiture, la moindre des choses est de la rendre avec un plein !

- Oui, sauf que je te prête, moi,  la maison et je ne te demande pas de participation pour le chauffage. De plus, lorsqu’en août dernier, j’ai reçu une facture de téléphone de 80 Euros alors que je n’étais même pas dans la maison, je ne t’ai  rien réclamé.

- Mais ça n’a rien à voir !!! Et le ménage que j’ai fait, et le jardinage que tu n’as même pas eu la présence de remarquer !! Ça, bien sûr, ça ne compte pas. Je suis désolé de te le dire, mais tu es radin!

Et là-dessus, il me raccroche au nez, remonte dans sa voiture et passe les quatre jours suivant… chez moi.
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 Mars 2011. Quelque part sur l'Autoroute de Sud. France.

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