vendredi 4 mars 2011

Pauvre Patron (2).

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Je m’aperçois à la relecture que les « échecs » relationnels relatés en première partie sont tous liés à des employés en tout début de contrat, à l’essai donc, et que je ne connaissais pas avant de les engager.

Ce n’est pas le cas de Christian, avec qui j'avais entretenu une relation amicale pendant plus de vingt ans avant de faire appel à lui dans une période difficile du magasin, juste après le départ de deux anciens employés et à un moment où mon chiffre d’affaire baissait de manière régulière.

Je fis donc appel à lui sachant qu’il avait auparavant géré son propre magasin, qu’il connaissait bien plusieurs domaines du mien et qu’il serait capable de développer des nouveaux rayons ayant trait à ses passions personnelles. Il était de plus extrêmement sociable et très probablement bon vendeur.
J’espérais en bref qu’il serait capable de reprendre en main mon commerce et à terme d’en devenir le gérant. Je comptais aussi sûr lui pour superviser les autres employés, 2 à ce moment-là.

Le premier accroc est survenu  lorsque ma fiduciaire nous convoqua pour nous expliquer une nouvelle manière de tenir la comptabilité.
Pendant toute la séance, Christian prit une grande quantité de notes et m’assura que tout était clair pour lui.
Revenu au magasin, il n’appliqua cependant pas tout de suite les nouvelles directives. Je m’en inquiétai auprès de lui et il me répondit qu’il s’en occuperait en temps voulu.
Les semaines passèrent et… toujours rien.
Je le sommai finalement de réorganiser les comptes avec effet immédiat et l’expression de consternation sur son visage ne laissa aucun doute : il n’avait pris aucune note ou les avait perdues depuis. Personnellement, je penche pour la première proposition, aussi absurde puisse-t-elle paraitre.
Je  le surpris plus tard en conversation téléphonique avec la fiduciaire, en train de lui soutirer laborieusement les instructions qu'il avait déjà reçues deux semaines plus tôt.

Le 2ème point de contention rapprocha clairement Christian de la sortie : après plus d’un mois de travail dans ma librairie, Il n’avait pas fait le moindre apport créatif dans le magasin, ni dans l’arrangement ou la gestion de la marchandise, ni dans la moindre commande d’articles nouveaux. Le Néant absolu.
Et de fait, je sentais que sa présence dans mon entreprise commerciale avait au mieux une influence … nulle sur celui-ci.
Face à mon inquiétude, il m’expliqua qu’il devait d’abord apprendre à maîtriser les bases de fonctionnement du magasin ! Je n’y crus pas une seconde et sus dès ce moment-là qu’il me menait en bateau.

L’incident suivant me plongea dans une rage folle.
Un jour que je faisais du shopping en ville, je me souvins d’une instruction incomplète donnée la veille au soir à un autre employé. Je téléphonai donc et Christian répondit. Je lui demandai donc de transmettre mes nouvelles instructions à l’autre employé (qui était à ses côtés à ce moment) , instructions qui tenaient en quelques mots, et avaient trait au classement des mangas.
Je constatai une heure plus tard en arrivant au magasin que rien n’avait été fait : le deuxième employé avait continué le classement sur une base complètement fausse !
Je commençai donc à passer une bordée énergique à ce dernier et il expliqua que Christian ne lui avait transmis aucune instruction !
Confronté avec cette révélation, Christian tenta de me faire croire que je donnais trop d’instructions, trop confuses, et… qu’il avait simplement oublié!

Ma colère à son encontre pris une ampleur rarement égalée.
Je me sentais insulté, trahi, abandonné.
Dans les faits, je n’osais pas renvoyer Christian le jour même ni les jours suivants.
J’attendis, je lui donnai toutes les chances possibles de se racheter mais jour après jour, je n’eus que la confirmation de ce que je ressentais de tout mon être : ce Christian dans lequel j’avais placé tant d’espoir, à qui j’avais donné toute ma confiance, n’avait de toutes évidences pas d’autres intention que de parasiter mon royaume chéri. Ni plus ni moins.

Après des longues semaines de tergiversations, je n’ai même pas eu le cran de lui sortir ses quatre vérités.
Je lui ai expliqué qu’au vu les mauvais résultats persistants du magasin, je n’avais pas les finances pour le garder, ce qui était parfaitement exact, mais très  loin d’être l’entière vérité.
Son départ fut aussi cordial que possible mais, alors que dans les précédentes années nous nous voyions au moins une fois par semaine et avions même passé des vacances ensemble, je ne l’ai pour ainsi dire plus vu et plus parlé depuis.

Il a tout simplement cessé d’exister autrement que comme une silhouette que je croise une fois ou l’autre et avec laquelle j’échange quelques banalités. Sans conviction et sans chaleur.




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