samedi 5 mars 2011

Pauvre Patron (3).

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Depuis des années, j’ai établi un principe de gestion commerciale ultra simple.
Prenons une série de BD qui démarre et que je commande à 3 exemplaires. Ceux-ci se vendent. J’en recommande plusieurs fois, jusqu’à l’annonce du 2ème volume. Si j’ai vendu 5 exemplaires du 1er, j’en commande 5 du 2ème. Si à l’annonce du 3ème, j’ai vendu 8 exemplaires du 2ème, je commande 8 exemplaires du 3ème, etc…
Ce système à l'avantage de permettre d'augmenter les ventes du magasin quasiment sans risque pour celui-ci et en suivant une logique très facile à gérer.

A l’époque où Claire a débuté dans ma librairie, au milieu des années 80, ce système en était à ses débuts.
Deux ou trois ans après, elle avait la responsabilité de la section manga, et la série « Lone Wolf and Cub » débutait. Elle avait commandé 3 exemplaires du premier volume : un pour elle, un pour un ami et un pour le rayon, qui fut vendu dans la journée. Déjà, ce principe me déplaisait, mais bon.
Deux mois plus tard, elle commanda 3 exemplaires du 2ème volume et là, je lui demandai pourquoi elle n’en prenait pas plus.

« Je préfère rester prudente. »

Oui, mais dans la mesure où le potentiel commercial de la série était avéré (avec 5 ou 6 exemplaires du premier volume déjà vendus), autant augmenter à 6 ?
Elle refusa tout net.
J’insistai, jusqu’à invoquer une simple expérience commerciale, pour démontrer mon point de vue.
Rien à faire. A court d’arguments, je finis par lui donner l’ordre d’augmenter ses quantités, sans autre discussion. Sa réponse fut cinglante :

« Si c’est comme ça, je démissionne. »
Ah.

Après son départ, j’appliquai librement mon principe, et Lone Wolf and Cub se vendit bientôt à plus de 20 exemplaires par numéro.

Les années passant, j’ai peaufiné ce principe, l’appliquant aux vidéos, aux CDs et bien sûr aux autres BDs.

Dans les années 90, je fus à nouveau à la recherche d’un nouvel employé et, contre toutes attentes, Claire postulat.
De prime abord, la proposition me parut quelque peu saugrenue, mais à la réflexion, je me dis qu’elle avait du potentiel car, je savais au moins quel genre de personne j’engageais, avec ses qualités et –certes- ses défauts. En presque dix ans, elle avait dû acquérir d'avantage d'expérience et de sagesse et moi de même.
Je la réengageai donc.

Je lui confiai bientôt le rayon BD, en lui fixant la condition du strict respect de mon système de gestion, à présent représenté par un fichier Excel parfaitement organisé.
Les premiers temps, ça fonctionna très bien, mais après une année ou deux, mon attention fut attirée par des chiffres stagnants. Chez un des plus gros éditeurs, les commandes mensuels ressemblaient même à ceci : « 2 – 0 – 2 – 2 – 1 – 2 – 0 – 0 – 0 - 2, etc… »
Au début, Claire réussit à endormir ma méfiance, mais j'ai fini par vérifier toutes les quantités et tous les inventaires. Beaucoup de chiffres semblaient justes, mais certains comportaient des erreurs grossières : une série qui ne se vendait pas du tout était par exemple régulièrement commandée à un exemplaire, et pour une autre… tout était faux ! L’inventaire indiquait une vente de trois exemplaires, la réalité était de cinq et… elle en commandait deux !
Lorsque je lui fis la remarque, elle me sortit un gros mensonge !
Cet incident n’était en fait que le dernier de toute une série qui démontrait que rien n’avait changé. Au contraire : le caractère mensonger et dissimulateur de Claire s’était même accentué avec le temps !

Deux autres exemples :
Un weekend, je croisai un très bon client dans un train, qui se déclarait très mécontent du service de ma librairie. Il m’avait même écrit un mail détaillé à ce sujet, et je n’avais jamais répondu !
Pour une bonne raison : je n’avais jamais eu connaissance de ce mail.
Lorsque je confrontai Claire, elle nia d’abord  tout en bloc, avant d’avouer qu’elle avait supprimé ce mail « pour faire de la place » ! Je dois dire qu’à ce stade, ma décision sur son avenir était au moins à moitié prise.

L'autre incident déterminant se déroula une semaine avant : depuis des mois, je préparais à son intention des notes sur les commandes à venir. Au début, nous en discutions ensemble, mais ces derniers temps, elle semblait dire que ce n’était plus nécessaire.
Or, mon attention fut attirée ce jour-là par mes notes retrouvée dans la poubelle : je les récupérai et les comparai avec ses commandes, point par point. Sur une vingtaine d’articles, il y avait 17 ou 18 différences flagrantes !
Confrontée à ces incohérences, sa réaction fut similaire aux autres incidents : tout nier, puis admettre le moins possible (elle avait dû se tromper une ou deux fois !). Et finalement admettre la faute face à  mon insistance.

Devant tant de manquements (il y en avait d’autres, trop nombreux à lister ici), je finis par lui soumettre un ultimatum : plus de mensonges, plus de dissimulations, sinon la porte.
Trois semaines plus tard, je la vis pour la dernière fois.

Ce qui m’a particulièrement traumatisé dans cette histoire, c’est que j’avais travaillé avec elle plusieurs années, je la côtoyais presque tous les jours, nous avions des conversations amicales, nous nous échangions des souvenirs de vacances, des vidéos, des livres, etc…
Et tout d’un coup, je découvrais un 2ème niveau a notre relation, où elle me mentait presque quotidiennement et dissimulait la moindre de ses fautes, dont certaines m’ont coûté très cher.

Je pense par exemple à la fois où j'ai cru que le magasin perdait des milliers de francs par mois et j'ai sérieusement envisagé de le fermer. Un autre employé a fini par comprendre que notre société d'encaissement par cartes ne nous versait plus rien depuis des mois!
La faute de Claire ici, responsable de vérifier la compta, était à la limite excusable, mais elle aurait dû en théorie repérer ce défaut de versement à un moment où à un autre.

J’ai mis des mois à me remettre de cette rupture.
Non, c’est faux. Je ne m’en suis pas remis.
J’y pense encore très souvent.

Ai-je fait preuve de trop de laxisme ? Dois-je surveiller de plus près mes employés, et ce tous les jours, de manière constante ? C’est possible, mais je n’ai pas appris à le faire.

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2 commentaires:

  1. Personnellement, je n'ai aucune tolérance pour le mensonge. Aucune. Les amies qui me mentent, c'est: via! raus! et notre amitié s'arrête net.

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  2. Pareil, mais il parait que tout le monde ment plus ou moins... Je le constate presque tous les jours, et c'est très difficile à gérer.
    Parfois, je fais semblant d'y croire. D'autres fois, je rectifie sans donner de l'importance à celui-ci, du style: "Grosse connerie (que tu me dis là): contentes toi de rectifier l'erreur."

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